Intervention de Sophie Moati

Séance en hémicycle du mardi 25 février 2020 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Sophie Moati, doyenne des présidents de chambre de la Cour des comptes :

En 2019, l'amélioration structurelle des comptes publics s'était poursuivie, certes lentement. L'année 2020 marquerait pour sa part un arrêt singulier dans la réduction du déficit structurel, qui resterait à 2,2 points de PIB, en décalage avec nos engagements européens. Les pouvoirs publics ont en effet choisi d'accentuer la baisse des prélèvements obligatoires, ce qui pèse sur le redressement de nos comptes.

La loi de finances pour 2020 prévoit une baisse des prélèvements de près de 10 milliards d'euros, principalement à destination des ménages, avec la baisse de l'impôt sur le revenu et la dernière tranche de suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Ces mesures annoncées au printemps 2019 portent à plus de 17 milliards d'euros, soit 0, 7 point de PIB, le coût des mesures décidées à la suite du mouvement social de l'automne 2018, qu'elles concernent des baisses ou des renonciations à des hausses de prélèvements ou encore des dépenses nouvelles.

En outre, ces baisses supplémentaires de prélèvements ne sont pas compensées par un effort de maîtrise accrue de la dépense publique. Par conséquent, la dette publique ne refluerait pas. Ce ralentissement puis cet arrêt prévu de la réduction du déficit structurel de la France apparaissent singuliers, alors que la croissance économique de notre pays est plus favorable que les années précédentes. Ils nous écartent de nos engagements européens, mais aussi de la trajectoire fixée il y a tout juste deux ans par la loi de programmation des finances publiques.

Le Gouvernement doit présenter au printemps prochain une trajectoire actualisée des finances publiques. Aussi la Cour des comptes souligne-t-elle qu'il est important que cette trajectoire prévoie une réduction du déficit structurel ambitieuse, cohérente avec les règles européennes et ne repoussant pas en fin de période de programmation l'essentiel des efforts à accomplir. Elle appelle également de ses voeux un renforcement de l'effectivité du cadre pluriannuel, pouvant passer par une révision des règles organiques.

Cette trajectoire ambitieuse de réduction de notre déficit n'est pas hors de portée. Pour redonner du souffle à nos comptes publics, les juridictions financières identifient, rapport après rapport, de nombreuses marges de manoeuvre dans le fonctionnement quotidien des administrations publiques et dans le déploiement des politiques nationales et territoriales. Les différents chapitres de ce rapport public annuel en constituent autant d'exemples, dont nous espérons qu'ils seront utiles aux pouvoirs publics.

La Cour met d'abord en lumière des situations de gestion qui conduisent à une mauvaise utilisation des moyens publics. C'est le cas du chapitre consacré aux aides personnelles au logement, les APL. Elles bénéficient aujourd'hui à un peu plus de 6,5 millions de ménages, mais leur gestion particulièrement complexe conduit au versement de nombreuses prestations indues ; nous avons estimé le montant de ce « trop perçu » à plus d'un milliard d'euros pour 2018.

Les usagers du service public sont les premiers pénalisés par ces situations de mauvaise utilisation des deniers publics. C'est le cas des patients traités pour insuffisance rénale chronique terminale, une maladie en expansion qui touche près de 88 000 personnes et coûte plus de 4 milliards d'euros à l'assurance maladie. La prise en charge des malades privilégie aujourd'hui pour moitié des modes de dialyse lourds, contraignants pour les patients et coûteux pour la collectivité. À l'inverse, la greffe, qui leur offre un meilleur confort de vie tout en étant moins onéreuse, ne nous semble aujourd'hui pas assez développée.

Des marges financières existent aussi dans les territoires ; notre rapport en offre plusieurs exemples. Ainsi, entre 2012 et 2017, 45 millions d'euros ont été consacrés par les collectivités territoriales à la desserte aéroportuaire de la Bretagne. Or, sur les huit plateformes bénéficiaires, 80 % du trafic se concentre aujourd'hui sur l'aéroport de Brest.

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