À l'inverse, l'activité des petites infrastructures se réduit régulièrement face, notamment, à la concurrence de l'offre ferroviaire et faute d'une stratégie nationale globale de mobilité. La solution, bien souvent, tient donc à la capacité des pouvoirs publics à réinterroger, repenser, reconfigurer les conditions et les modalités de leurs interventions. S'agissant de la restauration collective, l'enquête réalisée par les chambres régionales des comptes auprès de quatre-vingts communes a permis d'identifier des pratiques de gestion économe, notamment par le biais de mutualisations et la mise en place de centrales d'achat. Elles permettent d'alléger significativement cette lourde charge pour la collectivité publique, tout en garantissant un service de qualité aux familles.
D'autres bonnes pratiques sont aussi mises en lumière dans ce rapport. La Cour a voulu par exemple rendre compte de la transformation engagée par le groupe La Poste face aux mutations majeures de l'activité postale. Le volume de lettres à distribuer accuse en effet, année après année, une baisse spectaculaire : de 18 milliards en 2008, le nombre de plis distribués sur notre territoire est tombé à 9 milliards en 2018 et sera probablement proche de 5 milliards en 2025. Cette baisse ampute le chiffre d'affaires de La Poste de près de 500 millions d'euros par an et fragilise son modèle économique.
En 2016, la Cour avait donc recommandé des adaptations profondes du fonctionnement du réseau de distribution postale pour assurer sa pérennité. Elle constate aujourd'hui que ces transformations ont pour partie été engagées, à travers la modernisation de son outil industriel, la réorganisation des tournées des facteurs, une écoute plus grande des attentes des clients. Face à l'ampleur des défis à relever, elles devront cependant être amplifiées.
Nous avons voulu rendre compte de cette capacité d'adaptation du service public aux mutations de la société et aux besoins des citoyens, à travers la nouvelle partie thématique de ce rapport, consacrée au numérique. Les neuf chapitres de cette partie, sans offrir une vision exhaustive du sujet, fournissent quelques exemples des enjeux et bénéfices liés à la digitalisation du service public, tout en fixant des conditions de réussite exigeantes pour en tirer le meilleur parti.
Notre rapport rappelle d'abord le fort potentiel d'amélioration des services rendus aux citoyens et aux usagers grâce à l'outil numérique. L'informatisation des procédures leur évite notamment de se déplacer, en leur donnant par exemple la possibilité de suivre à distance l'avancement de leurs démarches administratives. L'outil numérique permet aussi aux administrations de faire des économies. Ainsi, le coût d'instruction d'une demande de logement social en ligne est-il trois fois inférieur à celui d'une demande effectuée à un guichet physique.
En dehors de ces gains nets, l'essor du numérique permet aussi des redéploiements de ressources publiques bénéfiques aux usagers. À titre d'exemple, le projet de dématérialisation des demandes d'autorisations d'urbanisme conduit par le ministère de la transition écologique et solidaire pourrait permettre une économie estimée à près de 7 millions d'euros par an à partir de 2022. Surtout, les agents concernés, ainsi déchargés d'un suivi chronophage de dossiers en version papier, pourraient alors consacrer davantage de temps à conseiller les demandeurs et à les accompagner dans leurs démarches.
Au fil des exemples, cette partie thématique permet de distinguer les conditions essentielles à la réussite du processus de transformation numérique. J'en mentionnerai brièvement quatre même si, bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive. La première est la qualité de l'accompagnement et de la formation des agents chargés du déploiement de l'outil numérique. C'est le sens du chapitre que nous consacrons aux ressources humaines des ministères économiques et financiers.
La qualité du pilotage des projets informatiques constitue un autre facteur de réussite déterminant. Le Système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale, le SIRHEN, offre à cet égard un contre-exemple lourd d'enseignements. Après avoir investi depuis plus de dix ans près de 400 millions d'euros et mobilisé largement ses personnels pour déployer ce programme, le ministère a cessé son développement en 2018, après de trop nombreuses difficultés de pilotage et de gestion.
Troisième condition, alors que l'illettrisme numérique touche, d'après l'INSEE, près de 7 % de nos concitoyens, l'accompagnement des usagers s'avère essentiel afin que l'outil numérique ne crée pas de situation de non-recours aux droits. Ce risque, dit de fracture numérique, se pose tout particulièrement pour les populations fragiles.
Enfin, pour offrir tous ses bénéfices, le développement de l'outil numérique doit aller de pair avec une remise à plat et, bien souvent, une simplification des procédures administratives. C'est le constat que fait la Cour à propos de la gestion des cartes grises, dans le chapitre qu'elle consacre à la dématérialisation de la délivrance de titres en préfecture.