Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, penchons-nous sur les chiffres. En 2016, notre pays a accueilli 217 000 migrants, dont 73 000 étudiants étrangers et 88 000 étrangers au titre des regroupements familiaux. Ces deux catégories représentent 72 % de la délivrance de visas à durée limitée. Par ailleurs, si notre pays a accordé sa protection humanitaire à 29 000 personnes réfugiées, notre voisine l'Allemagne en a fait bénéficier plus de 400 000 migrants.
Ces chiffres, peu nombreux, visent à la fois à relativiser la question de l'immigration – qui fait tellement peur à droite – et à mettre en évidence ses enjeux et défis. Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2018 sont en augmentation. Ils traduisent les engagements pris par la France lors de la précédente législature concernant notamment l'accueil des réfugiés politiques, réfugiés qui fuient la guerre, les violences religieuses et politiques – choses qu'il convient de rappeler tant le sujet est parfois sensible.
L'examen des crédits de paiement du programme « Immigration et asile » montre une augmentation de 33 % des crédits de l'action 2, « Garantie de l'exercice du droit d'asile ». En cela, le programme poursuit les efforts accomplis, puisque 30 000 places d'hébergement ont été créées, soit 62 % de plus par rapport à 2014. Quant à l'examen des crédits de paiement de l'action 3, « Lutte contre l'immigration irrégulière », elle met en évidence une diminution de 7 % des moyens.
Cette évolution s'expliquerait par le fait qu'il a été mis fin au camp de migrants de Calais et aux crédits qu'impliquaient les interventions visant celui-ci. Mais, si le problème de Calais a été réduit, d'autres regroupements illégaux de migrants se font jour. Il conviendrait donc de maintenir ces crédits. Par ailleurs, je note que les droits fondamentaux des migrants ne sont pas toujours assurés, notamment ceux des mineurs et des femmes. La Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Défenseur des droits, deux institutions de notre République, s'en sont émus.
Si ce projet de budget s'inscrit dans la poursuite de la politique d'ouverture raisonnée et raisonnable aux migrants, il suscite des interrogations. Ainsi, notre pays s'est engagé à relocaliser 30 000 migrants avant la fin de 2017 ; au début du mois de septembre, seuls 4 278 migrants étaient arrivés en provenance d'Italie et de Grèce. L'Union européenne, dans son rapport de septembre sur la relocalisation, classe la France dans le groupe des pays qui devraient de toute urgence accélérer les transferts. Dans le projet de budget, aucune indication ne nous est donnée sur l'adéquation des crédits à la poursuite des objectifs et des engagements de l'État dans ce domaine.
La deuxième interrogation concerne l'intégration. Une rapide analyse des crédits de paiement du programme « Intégration et accès à la nationalité française » montre une évolution à la hausse, que l'on peut saluer. Toutefois, ces crédits, rapportés au nombre de migrants, qui devrait augmenter, laissent apparaître un montant par individu faible. Si l'on prend pour référence le nombre annuel de demandeurs d'asile en France – environ 80 000 personnes, contre 700 000 en Allemagne, dont à peine 40 % verraient leur demande aboutir – , 32 000 personnes, hors les personnes relocalisées, seraient concernées. Ce sont donc environ 500 euros de plus qui seraient consacrés par individu à la nécessaire intégration de chacun.
Les montants consacrés à l'intégration des migrants, notamment à titre humanitaire, paraissent donc limités pour assurer un accompagnement fort, notamment durant les vingt-quatre premiers mois. Il est à noter que les documents budgétaires donnent peu ou pas d'indications sur les modalités de l'intégration privilégiées.
Concernant ce même programme, les crédits de l'action 14, « Accès la nationalité », augmentent de 24 000 euros, ce qui nous semble plutôt faible et aller à contre-courant de l'engagement de campagne du Président de la République, qui affirmait vouloir favoriser l'obtention de la nationalité plutôt que le droit de vote des étrangers.
Ma dernière question a trait à la question des migrants provenant d'un État jugé sûr ou ayant transité par un État tiers considéré comme sûr par la France et l'Union européenne, et dans lequel ils pourront déposer une demande d'asile en lieu et place de leur accueil en France ou en Europe. Actuellement, les listes varient selon les États, et celle de l'Union européenne sera, demain, soumise aux mêmes difficultés.
En appréciant plus ou moins souplement les critères de respect de l'État de droit et les garanties fondamentales accordées aux exilés dans ces pays tiers, notre pays pourra accorder ou refuser la protection humanitaire. Autrement dit, en fermant un peu ou beaucoup les yeux sur le caractère peu sûr de certains États tiers, nous pourrons nous affranchir de protéger les réfugiés arrivant jusqu'ici. Ce point est de nature à influencer fortement les effets de la politique d'accueil des réfugiés et les crédits nécessaires dont nous discutons.
Il est regrettable que l'État ait privilégié l'accueil de certaines personnes non fragilisées. Notre groupe ne votera pas les crédits de la mission, qui nous semblent en décalage avec les besoins de notre pays.