Pour la première fois, la commission des affaires économiques rend un rapport sur les crédits de la mission « Investissements d'avenir » et, plus précisément, le troisième volet du programme des investissements d'avenir, dit PIA 3.Ce rapport est également l'occasion de revenir sur les PIA 1 et 2 engagés depuis 2010, qui ont bénéficié d'une procédure budgétaire dérogatoire à hauteur de 47 milliards d'euros.
Il s'est donc agi pour moi de considérer le PIA dans son ensemble, ce qui se justifie d'autant plus qu'aucun crédit des 10 milliards d'euros supplémentaires du PIA 3 n'a encore été dépensé. Pour rappel, le PIA 3 a été décidé en 2017 mais non abondé. Dès 2018, il sera financé et entrera dans le cadre du Grand plan d'investissement de 57 milliards décidé par le Gouvernement.
Le PIA 3 marque plusieurs évolutions positives par rapport à ses deux prédécesseurs. Il bénéficie d'une mission et de programmes spécifiques et stables dans le temps au lieu d'être voté discrètement au sein d'un projet de loi de finances unique. Les crédits de paiement sont désormais votés chaque année, ce qui permet d'améliorer la transparence sur leur déploiement. En effet, il faut rappeler qu'à ce jour, les crédits des PIA 1 et 2 ont été décaissés à hauteur de moins de 20 milliards d'euros, sur une enveloppe de 47 milliards, soit à peine 40 % des crédits engagés en 2010 et en 2014.
En outre, le PIA 3 contient un volet régionalisé : 500 millions d'euros de crédits seront combinés avec des crédits d'investissement des régions, à même hauteur, pour accompagner des projets ancrés dans les territoires. Ces fonds régionalisés du PIA pourront avoir trois destinations, selon le choix de chaque région : les concours d'innovation, la formation professionnelle ou la structuration des filières industrielles. C'est un engagement intéressant car ce sont en effet les régions qui connaissent le mieux les territoires et leurs innovations.
Le PIA 3 poursuit et intensifie l'accompagnement de l'État en faveur du développement des marchés de capitaux. Le capital-innovation, qui permet de financer le risque depuis la prématuration des projets jusqu'au scale-up des jeunes start-ups qui veulent devenir des PME, est encore trop peu mature en France. Avec le PIA 3, plusieurs fonds d'investissements et fonds de fonds vont contribuer à financer, de façon rentable pour l'État, les projets porteurs d'innovation de rupture : c'est le cas des fonds Frontier venture, MultiCap Croissance, ou encore du Fonds national d'amorçage. Enfin, même si je n'ai pas pu avoir plus d'informations à ce sujet, un futur fonds à destination des « grands défis » va être créé, pour soutenir les futures « licornes » françaises, qui ont des besoins en levées de fonds qui se chiffrent à plusieurs centaines de millions d'euros.
Je constate que cette forme d'intervention permet à l'État de se comporter comme un investisseur avisé agissant en conditions de marché, traduisant probablement une évolution vers un État stratège. Il n'est pas anodin qu'au moment où l'État actionnaire voit son portefeuille réduit, l'État investisseur, avec le PIA 3 et le Grand plan d'investissement, monte rapidement en charge. Mon rapport examine donc comment l'État choisit d'influencer de façon diffuse le choix des secteurs d'avenir, d'assurer le bon financement de l'économie de l'innovation, d'apporter le soutien nécessaire à la croissance des entreprises technologiques, et de laisser le marché s'adapter et prospérer dans ces conditions favorables.
En second lieu, quelle place occupent les TPE-PME innovantes dans les aides octroyées par le PIA ? Cette question est légitime : à la différence des grands groupes, ces entreprises n'ont pas l'agilité et les ressources humaines et techniques suffisantes pour candidater de façon autonome aux appels à projets nationaux du PIA. Pourtant, ce sont elles qui ont besoin d'être soutenues en priorité. Il existe un levier particulièrement efficace pour favoriser les écosystèmes d'innovation et donc le développement de TPE-PME qui pourront, un jour, devenir les ETI de croissance que le Gouvernement souhaite voir prospérer : ce sont les pôles de compétitivité. Aujourd'hui, la labellisation de certains projets par les pôles de compétitivité ne permet pas d'accéder plus facilement aux jurys de sélection des fonds du PIA, qui privilégient plutôt des projets portés par de grandes entreprises, qui associent certes des PME, mais plus dans une logique de sous-traitance que dans une logique de partenariat. C'est regrettable car cela désincite les TPE-PME à rechercher les crédits du PIA. Le PIA 3 prendra bien davantage en compte le cas des PME, ce que le bleu budgétaire rappelle à plusieurs reprises, mais il faudra que les PIA 1 et 2 s'ajustent également.
En troisième lieu, il ressort des auditions que j'ai menées que la situation des PME à l'international est largement perfectible, et que le PIA devrait davantage mobiliser ses outils pour favoriser leur internationalisation, notamment dans la perspective d'en faire des ETI efficaces. Dans le PIA 3, est prévue la création d'un fonds à l'internationalisation des PME. Ce fonds, qui permettra à l'État de créer des sociétés de projet pour aider une PME à acquérir des filiales à l'étranger, est un complément très utile à toutes les aides à l'internationalisation, nationales ou régionales, qui existent déjà. Cependant, la question de la dotation du fonds se pose : 200 millions d'intervention seulement en fonds propres, sur cinq ans. Cette somme ne permettra de participer qu'à une vingtaine d'opérations, sur des tickets de 3 à 20 millions. Il faudrait aller plus loin, plus vite, avec une force de frappe plus importante, afin d'accélérer la transformation d'un maximum de PME en ETI européennes dans les prochaines années.
Enfin, devant l'ampleur des sommes engagées, l'évaluation des actions et des opérateurs du PIA devrait être une priorité. Dans la préparation de ce rapport, j'ai fait directement face à la faible transparence de la gestion du PIA, notamment dans les outils de contrôle auxquels le Parlement a droit.
Cela me conduit à poser trois questions. Comment remédier au manque de transparence du CGI et des opérateurs sur les données brutes du PIA, mais également sur les tableaux de bord dont ces organismes disposent, sur les évaluations partielles menées et sur les résultats des contrôles et expertises des comités de pilotage ?
Par ailleurs, serait-il envisageable de créer un fonds spécifiquement dédié au soutien des pôles de compétitivité ?
Enfin, envisagez-vous d'améliorer la simplification et la lisibilité des appels à projets du PIA, pour toucher un maximum de TPE-PME ?