Intervention de Christophe Castaner

Réunion du lundi 6 novembre 2017 à 17h00
Commission élargie : finances - affaires économiques

Christophe Castaner, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement :

Madame de Montchalin, il est en effet nécessaire d'engager des efforts de modernisation. La question que vous avez posée concernant les téléprocédures et la maîtrise des frais de justice est particulièrement intéressante. Il apparaît souvent que nous n'avons fait qu'un bout du chemin que nous devons parcourir. Mais il faut d'abord évaluer l'ensemble avant de se concentrer sur l'objectif.

Vous m'avez interrogé sur les applications comme Télérecours qui permet de déposer les recours en ligne et d'échanger des mémoires par voie électronique. Il existe aussi un autre service en ligne, Sagace, qui évite aux parties de se déplacer dans les juridictions administratives. L'usage de ces téléprocédures n'est obligatoire que pour les avocats et les administrations depuis le 1er janvier 2017, mais des exceptions ont été prévues pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les particuliers.

Les économies réalisées pour nos tribunaux sont de l'ordre de 4,5 millions d'euros depuis 2013, en matière de frais d'affranchissement notamment. Il est plus difficile d'évaluer globalement les conséquences de la dématérialisation des recours, car ils ne sont pas tous concernés. Ainsi, 12 % des affaires ne sont pas éligibles à Télérecours dans les entrées en cour d'appel administrative, 38 % pour les tribunaux administratifs. Et il arrive même, dans ces administrations judiciaires, qu'il faille étudier dans le même dossier à la fois une téléprocédure et la procédure papier, ce qui constitue une difficulté pour ceux qui sont chargés d'étudier ces dossiers. Un télérecours citoyen, accessible à tous, sera lancé dans le courant de l'année 2018 qui permettra de générer de nouvelles économies en matière de frais d'affranchissement, même si on sait qu'elles seront de moindre ampleur.

Sur les cabinets ministériels, le Président dans la République a voulu anticiper la mise en place d'un spoil system où les ministres et leurs cabinets ne sont pas coupés de l'administration – dans certains cabinets ministériels, les collaborateurs étaient en nombre très élevé. Il est donc nécessaire de renforcer le lien entre le ministre et l'administration, celle-ci devant être davantage au service de l'orientation politique du Gouvernement. Mais cela prend un peu de temps. C'est vrai, l'installation de cabinets réduits a pu donner lieu à quelques interrogations de la part des parlementaires, le conseiller parlementaire cumulant parfois plusieurs missions. Dans le cabinet du ministre chargé des relations avec le Parlement, il y avait auparavant trois ou quatre conseillers parlementaires : leur nombre est fortement réduit aujourd'hui. D'où ce reproche adressé à l'exécutif qui est parfaitement légitime ; il nous faut être vigilant. Certaines administrations ont compris l'enjeu d'être dans une veille politique vis-à-vis des demandes légitimes des parlementaires ; il convient de faire attention pour la suite, afin d'être le plus efficace possible.

M. Julien Dive m'a interrogé sur le CESE et l'anticipation possible des réformes à venir. Il est difficile d'anticiper des dispositions qui relèvent de la seule proposition du CESE et de les traduire budgétairement. Vous avez raison, la montée en puissance du CESE – si elle doit avoir lieu – n'est pas prévu dans ce budget. Il faudra attendre les décisions qui seront prises – et dont l'Assemblée nationale et le Sénat auront à connaître – avant d'en avoir une traduction budgétaire.

Monsieur Barrot, il ne faut pas attendre du Haut conseil des finances publiques, dont la mission est clairement définie, qu'il soit une instance d'appui du travail parlementaire. La loi organique de 2012 précise en effet que le Haut conseil apprécie la cohérence du projet de loi finances au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Son président vient ensuite devant les commissions des finances présenter son avis et répondre à toutes les questions. Son rôle s'arrêt là. Mais il existe, et heureusement, d'autres outils d'appui, d'abord en interne à l'Assemblée nationale. Ensuite les rapporteurs spéciaux peuvent exiger – j'utilise volontairement ce mot – de l'administration et du Gouvernement qu'ils fournissent systématiquement toutes les informations dont ils ont besoin, ce qui est bien légitime.

S'agissant des missions qui pourraient être confiées au Commissariat général à la stratégie, le Gouvernement s'est appuyé sur France Stratégie pour influencer sa réflexion, mener des concertations auprès du Premier ministre sur un certain nombre de sujets et évaluer les politiques publiques. On a ainsi confié à France Stratégie la mission d'évaluer les ordonnances « travail » qui ont été votées récemment par votre assemblée et promulguées par le Président de la République. Ce travail d'évaluation est nécessaire et doit être évidemment à la disposition des parlementaires que vous êtes pour éclairer vos travaux et les votes qui pourraient en découler.

Je reviens rapidement sur la question des cabinets ministériels à laquelle je n'ai peut-être pas répondu assez clairement. Il y a d'abord une baisse de 49 % du nombre de collaborateurs et ensuite un changement structurel : il est resté autant de directeurs de cabinet que de ministres, et autant de chefs de cabinet que de ministres. Or chacun sait que le niveau de rémunération d'un directeur de cabinet est supérieur à celui d'un conseiller, dont le niveau moyen de rémunération – je l'ai souligné – a baissé par rapport à la législature précédente. Mais comme les cadres sont restés dans la nouvelle organisation, il y a forcément une hausse moyenne du salaire de chacun. Pour ma part, j'ai deux cabinets ministériels et l'un des deux était celui qui apparaissait au plus bas niveau de l'échelle des rémunérations. En tout état de cause, il ne s'agissait pas de procéder à des augmentations ou de dépenser plus mais de faire en sorte qu'au niveau de la structure même des cabinets, les collaborateurs remplissent leurs missions. Je précise que celles-ci ont largement évolué. Beaucoup ici connaissent l'intensité du travail en cabinet ministériel : imaginez qu'il a fallu accroître de 30 % à 40 % cette intensité. Voilà ce que vivent les collaborateurs de cabinets. Laisser penser qu'ils seraient payés bien au-delà de ce qu'ils mériteraient est une mauvaise polémique.

Dans le même esprit, ce serait faire une mauvaise polémique que de laisser penser que l'Élysée aurait augmenté ses moyens de fonctionnement. Ce qui compte, Madame Pires Beaune, et vous le savez mieux que moi, c'est le budget réalisé. Nous serons dans le même étiage que celui que nous avons connu l'année dernière, sous l'autorité de François Hollande. La sécurité physique et la lutte contre les cyberattaques ne peuvent donner lieu à polémiques, car elles nécessitent des moyens supplémentaires. Comme vous, je salue les efforts budgétaires qui avaient été faits sous l'autorité du Président François Hollande pour diminuer la dépense moyenne et le train de vie de l'Élysée.

Vous m'avez interrogé sur l'augmentation des dépenses d'action sociale de proximité des services déconcentrés. Les exemples sont nombreux. J'en citerai un seul : la volonté d'avoir une tarification unique et une aide unique pour les repas des fonctionnaires de ces administrations déconcentrées. Un travail important a été fait sur l'harmonisation de l'action sociale de proximité sur la restauration ou la médecine de prévention dans les services de l'État qui sont placées sous l'autorité des préfets. Nous avons procédé à une harmonisation par le haut afin que chacun bénéficie d'un traitement égalitaire.

Monsieur Corbière, il est inutile de vouloir créer de la polémique là où il n'y en a pas. Les budgets de la Cour nationale du droit d'asile ont fortement progressé, et si nous constatons en cours d'année qu'il faut les augmenter davantage, nous le ferons. Nous nous sommes fixé l'objectif, qui fera l'objet d'une traduction législative, de réduire le délai d'instruction d'une demande d'asile à six mois, ce qui impliquera des moyens supplémentaires. Le contrôle de cette instruction doit donc être renforcé. Il l'est dans ce budget, et il le sera un peu plus si c'est nécessaire.

De même, vous avez voulu opposer le budget de la présidence de la République et ceux de l'Assemblée nationale et du Sénat. Or il se trouve que les budgets de l'Assemblée nationale et du Sénat ne sont pas fixés par le Gouvernement. Il est donc inutile de chercher à opposer l'un à l'autre : l'Assemblée nationale et le Sénat ont l'autorité pleine et entière pour fixer leurs budgets respectifs. Là aussi, il n'y a donc pas lieu de polémiquer.

Enfin, vous avez voulu laisser penser que l'annulation de 25 millions d'euros dans les budgets que je vous ai présentés concernerait uniquement les autorités indépendantes et que ce serait une sorte de sanction infligée à celles dont les avis seraient différents de ceux du Gouvernement. Je me bornerai à vous répondre que les AAI ne font aucunement l'objet de 25 millions d'euros d'annulations de crédits. La somme réelle est de 2,8 millions d'euros, les administrations indépendantes ayant contribué, comme toute l'administration gouvernementale, à l'effort qui a permis de trouver 4,5 milliards d'euros d'économies budgétaires. Il est important de partir de la réalité des chiffres et de ne pas imaginer une seconde que l'on pourrait sanctionner les autorités indépendantes : par nature, elles doivent être indépendantes. Si le législateur ou l'exécutif entendaient utiliser l'arme budgétaire pour faire en sorte qu'une décision aille dans tel ou tel sens, ce serait toute la démocratie qui serait mise en cause. Or je sais que ni vous ni moi ne le souhaitons.

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