Cette réforme est une catastrophe pour nos militaires et pour nos armées : pour nos militaires, parce qu'elle est injuste, et pour nos armées parce qu'elle met en cause leur fonctionnement et leur modèle de gestion des ressources humaines. J'en donnerai trois illustrations.
Tout d'abord, les officiers du rang qui se sont élevés dans la hiérarchie et sont devenus colonels percevront une pension de retraite inférieure à celle des colonels diplômés de Saint-Cyr. Une personne méritante, qui aura progressé socialement et qui se sera élevée au-dessus de sa condition initiale, sera donc sanctionnée par votre réforme.
Ensuite, vous maintenez les durées légales de cotisation, mais vous augmentez la décote. Un adjudant-chef qui partira à la retraite après dix-neuf ans de service touchera une pension de 450 à 600 euros, contre 850 euros aujourd'hui. C'est une estimation, puisque nous ne disposons d'aucun outil fiable pour faire ce calcul – le Conseil supérieur de la fonction militaire en a demandé un, mais ne l'a pas obtenu avant de devoir rendre son avis.
Enfin, à force de vouloir que les militaires travaillent plus longtemps, vous obtiendrez l'effet inverse, notamment de la part de ceux qui possèdent le plus de compétences et qui suivent les formations les plus longues. Il faut deux à trois ans pour former des spécialistes, mais ils partiront au bout de sept ans dans le secteur privé, qui leur offrira de meilleures carrières !
Ces trois raisons montrent à quel point votre réforme détruit le modèle de gestion des ressources humaines de nos armées. En misant sur la seule intégration des primes dans le calcul de la retraite, vous affirmez en réalité que certains militaires sont plus utiles que d'autres. Il n'en est rien ! L'intendance suivra peut-être, mais si elle ne suit pas, ce sera la catastrophe ! Nos armées ont besoin de cuisiniers et d'officiers d'état-major, lesquels ne touchent pas de primes. Aujourd'hui, les militaires vont là où il leur est demandé d'accomplir leur mission pour servir la France. Dans vingt ans, ils choisiront leurs affectations en fonction des primes auxquelles elles donnent droit, pour ne pas pénaliser leur retraite !