Les moments de grâce offerts au public par les artistes de l'Opéra de Paris, sur le parvis de l'opéra Garnier ou de l'opéra Bastille, resteront comme un moment très fort de la mobilisation massive contre la réforme des retraites. Musiciens, choeurs, danseurs, techniciens : ces femmes et ces hommes participent tous pleinement au rayonnement de la France.
Comment peut-on, sous le couvert de justice, revenir sur l'âge de départ à la retraite des danseuses et danseurs ? À 42 ans, les corps sont meurtris, les danseuses et danseurs ne peuvent plus danser dans les ballets de très haut niveau ; souvent, ils deviennent professeurs de danse et perdent beaucoup en salaire.
Leurs pensions leur permettent donc de compenser cette perte de rémunération. Telle est la réalité qui se cache derrière ce que vous qualifiez de « privilèges ». Les musiciens sont exposés à des bruits pouvant atteindre 130 décibels, c'est-à-dire le même niveau que celui produit par le décollage d'un avion. Les techniciens soulèvent continuellement des charges très lourdes. Le régime spécial compensait la pénibilité ; ce ne sera plus le cas dans le nouveau système. Où est la justice ?
Incapable d'apporter les garanties suffisantes aux salariés de l'Opéra national de Paris, le Gouvernement a joué une nouvelle fois la carte de la division entre les générations – cela a déjà été dit, mais je le répète. La réforme ne s'appliquerait en effet qu'aux générations nées après 1977 pour les musiciens et après 1980 pour les choristes et pour les techniciens dont les tâches présentent des fatigues exceptionnelles. Enfin, la clause du grand-père a été introduite pour les danseurs et danseuses, sans doute dans le but de briser la grève : la réforme ne s'appliquera que pour celles et ceux entrés après 2022.
Les salariés de l'Opéra national de Paris ne se battent pas dans leur propre intérêt. Ils se battent pour sauvegarder cette institution tricentenaire ; ils sont un maillon dans la chaîne de son histoire. Il est temps que le Gouvernement respecte ces hommes et ces femmes et qu'il réponde point par point à leurs revendications et à leurs inquiétudes, quant au niveau de leurs pensions et quant à la prise en compte de la pénibilité dans la réforme – qui leur sera sans doute très défavorable.