Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du mercredi 8 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la ministre, mes chers collègues, il y a une semaine, l'examen en commission élargie des crédits de la mission a permis à Mme la ministre de répondre à nos interrogations sur le budget que vous nous présentez. Ces interrogations figurent dans mon rapport pour avis. Cependant, le débat sur les amendements a révélé d'autres zones d'ombre et, au bout du compte, ce budget reste marqué par une ambiguïté.

Nous avons bien compris qu'il était contraint par son héritage. En effet, la baisse de 2,7 milliards d'euros des crédits de la mission « Travail et emploi », soit une contraction de 16,6 % pour atteindre 13,7 milliards, est moins obtenue par des réformes de fond que par le brusque coup d'arrêt mis à la multiplication des emplois aidés et des programmes d'exonération de cotisations instaurés par le précédent gouvernement, laquelle était motivée par la recherche de résultats statistiques dans la lutte contre le chômage.

Malgré l'échec de cette politique, cet héritage se ressent dans les crédits de paiement : le règlement de son solde s'élèvera à 15,37 milliards d'euros en 2018, soit une baisse de seulement 0,6 %.

Ce budget montre également la volte-face d'un gouvernement, qui a abondé les crédits en plein été pour augmenter de 280 000 à 320 000 le nombre des contrats aidés en 2017, avant de donner un coup d'arrêt brutal à cette politique en septembre. Je n'ai pas obtenu mardi dernier, madame la ministre, de réponses à deux interrogations : quelle méthode et quelles exigences permettront de déterminer les employeurs à même de mettre en place ces contrats ? Comment pourra se concrétiser une exigence d'accompagnement et de formation sans crédits fléchés vers les bénéficiaires des contrats aidés maintenus ? J'en ajouterai une troisième : pourquoi diminuer d'un tiers la prise en charge des 200 000 contrats restants, en mettant en péril le modèle économique d'un grand nombre de structures de l'économie sociale et solidaire qui les emploient ? Si vous souhaitez recentrer les contrats aidés là où ils sont efficaces et non faire des économies budgétaires, il serait utile de nous apporter ces réponses.

Ce gouvernement semble également dépassé par sa majorité, en devant reprendre en urgence un dispositif d'expérimentation des emplois francs adopté par la commission des affaires sociales. Il s'agit d'un énième dispositif d'exonération de charges destiné aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais sans aucun ciblage en termes d'âge ou de niveau de qualification, visant aussi bien les décrocheurs que les diplômés des grandes écoles. Comment pouvez-vous nous expliquer que les contrats aidés dans le secteur marchand ne marchent pas et ne créent que des effets d'aubaine, tout en soutenant du bout des lèvres une mesure qui, selon l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, ne créera que des effets d'aubaine – 1 milliard d'euros dépensés par an pour 22 500 emplois créés ?

En 2013, le précédent gouvernement s'était déjà lancé dans une politique sans réflexion ni évaluation, et on en connaît le résultat : seulement 280 bénéficiaires en un an, du fait de la concurrence des dispositifs et de l'absence de ciblage adéquat. Je me félicite que, grâce à un amendement déposé la nuit dernière par le Gouvernement, ce dispositif ne sera pas financé par une amputation des crédits finançant d'autres actions. Mais pourquoi lancer un dispositif engageant les finances publiques avec une telle précipitation ?

Ces tours de passe-passe concernent également les entreprises adaptées. Le Gouvernement entend respecter l'engagement pris par le gouvernement précédent en mars 2017, en augmentant de 1 000 le nombre des postes aidés. Mais dans le même temps, il prévoit une baisse de 4 % du montant unitaire de l'aide au poste et de 18 % de la subvention destinée au suivi social, à l'accompagnement et à la formation spécifiques de la personne handicapée. On peut juger nécessaire que les entreprises adaptées accompagnent leurs bénéficiaires vers la formation et l'emploi en milieu ouvert, mais comment peut-on imaginer les conduire dans cette direction en baissant les crédits affectés à cet accompagnement ?

Cependant, le thème que j'ai choisi de développer dans mon rapport pour avis concerne les structures d'insertion par l'activité économique – l'IAE. Elles ont pour mission d'aider les personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières à se réinsérer progressivement dans le marché du travail.

Aujourd'hui, les 3 722 structures conventionnées relevant de l'IAE emploient près de 132 000 salariés en voie d'insertion pour une durée de vingt-quatre mois généralement. Pour les personnes les plus exclues de l'emploi, titulaires d'un minimum social ou chômeurs de longue durée, elles représentent un tremplin vers l'insertion et l'occasion de retrouver le sens de l'activité. Pour les collectivités et les personnes qui les soutiennent, elles représentent cette espérance que, face au chômage, il est possible de passer d'une approche passive à une approche active.

Depuis 2014, leur financement repose sur des aides au poste variant suivant le type de structure, accompagnées d'une modulation, en théorie de 0 à 10 %, en fonction de critères de résultats obtenus en matière d'accueil et d'insertion. Si les acteurs sont globalement satisfaits de cette réforme, la modulation apparaît comme excessivement bureaucratique, sans apporter une réelle différenciation en fonction des résultats, la quasi-totalité des structures recevant aux alentours de 5 %. Madame la ministre, vous ne m'avez pas indiqué ce que vous comptiez faire pour rendre cette modulation plus effective, alors que des réflexions sont en cours depuis plusieurs années au sein du ministère.

L'histoire des initiatives en matière d'IAE fait apparaître le plus souvent une dynamique de territoires et de personnes, qui fait naître un écosystème autour de l'activité économique. Si le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de subventionner près de 71 000 postes en équivalent temps plein, soit 5 000 postes supplémentaires, de nombreuses structures que j'ai rencontrées présentent des potentiels de croissance que je vous demande de soutenir. En commission des affaires sociales, j'ai tenté de convaincre mes collègues que des représentants de la nation pouvaient faire évoluer à la marge la structure d'un budget pour défendre des dispositifs que tous jugent très pertinents en matière d'accès à l'emploi. Madame la ministre, seriez-vous favorable à doubler cet effort, en prévoyant 10 000 aides au poste de plus, sachant que pour les finances publiques cet effort sera négligeable, puisqu'il permettrait d'éviter des dépenses d'aide sociale ?

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