Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mardi 25 février 2020 à 17h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Les maisons France Services sont l'une des politiques phares conduites par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le déploiement de France Services est l'un des objectifs fixés par le Président de la République à l'issue du grand débat national, le 25 avril dernier. Déployer au moins une maison par canton d'ici à la fin du quinquennat marque tout simplement le retour du service public et de l'État au coeur des territoires. De fait, le programme illustre bien l'action du ministère de la cohésion des territoires sur les sujets de la vie quotidienne de nos concitoyens : l'accès au logement, au numérique et à tous les services publics, mais aussi l'amélioration du cadre de vie dans nos villes, dans nos quartiers et dans les territoires ruraux. Je suis convaincue que l'action du Gouvernement conduite en matière de cohésion des territoires est l'une des réponses essentielles à ces préoccupations et contribue à lutter contre ce qu'on appelle les fractures territoriales et sociales.

En déplacement dans les Vosges jeudi dernier avec le Premier ministre et six de mes collègues du Gouvernement, nous avons fait le point, lors du premier comité interministériel aux ruralités, sur la mise en oeuvre de l'Agenda rural. À cette occasion, nous avons vu concrètement de quelle manière les 173 mesures de cet agenda qui ont été retenues par le Gouvernement se déploient sur le terrain.

France Services fait, bien sûr, partie de l'Agenda rural. Par ailleurs, l'opération « 1 000 cafés » se développe dans les territoires. Je sais que c'est aussi une de vos préoccupations, et vous avez voté, dans le cadre de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, le principe selon lequel les nouvelles licences IV créées dans les communes de moins de 3 500 habitants ne pourraient être transférées au-delà du périmètre de l'intercommunalité. Nous avons aussi annoncé la création des 30 premiers tiers-lieux ruraux, sur les 150 que nous prévoyons de financer d'ici à la fin du quinquennat. Nous voulons aussi que le déploiement de la fibre optique progresse. Par ailleurs, nous avons signé, jeudi matin, un accord avec la région Grand Est sur les petites lignes ferroviaires ; l'après-midi, j'en ai signé un autre dans ma région, Centre-Val de Loire. Ces deux régions avaient anticipé et négocié avec le Gouvernement ; elles étaient donc prêtes. Des accords de ce type ont, bien entendu, vocation à être conclus dans toutes les régions. Vous le voyez, nous avons l'intention de réduire la fracture territoriale dans tous ses aspects.

Tous ces éléments s'inscrivent dans la même ambition que France Services : offrir à chacun, où qu'il se trouve, les mêmes services essentiels et les mêmes chances de vivre et de travailler – de s'épanouir, tout simplement – là où il a choisi de vivre. C'est pour cette raison, notamment, que nous devons garantir la présence des services publics dans tous les territoires, ce qui est précisément l'ambition de France Services.

Face à la réorganisation progressive des réseaux, il existait déjà, avant France Services, des dispositifs visant à proposer une offre mutualisée de services publics. Le gouvernement précédent avait ainsi déployé les MSAP, avec la même idée de rapprocher les services publics des citoyens. Les MSAP ont constitué une première réponse intéressante, mais aussi très inégale, hétérogène : certaines étaient très performantes, d'autres n'avaient pas du tout un niveau suffisant. Avant les MSAP, d'autres solutions avaient été expérimentées, par exemple les relais de service public ou encore le réseau associatif des points d'information et de médiation multiservices (PIMMS).

Avec France Services, le Gouvernement porte une nouvelle ambition en agissant dans trois directions. Il s'agit non seulement d'améliorer l'existant, mais de changer véritablement d'échelle.

Le premier objectif est de veiller à la qualité du service rendu, quel que soit le lieu d'implantation de France Services. Pour garantir la réussite du projet, nous nous sommes fixé pour ligne directrice la qualité. Concrètement, cela renvoie d'abord au rôle des agents polyvalents qui assurent l'accueil de France Services : pour les usagers, ils sont le visage du service public. C'est pourquoi nous avons conçu et déployé un plan de formation ambitieux autour de l'accueil et de l'accompagnement numérique des usagers. Grâce à la convention que nous avons passée avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), tous les agents ont été formés pendant cinq jours et demi préalablement à l'ouverture de la structure. La formation a porté à la fois sur l'accueil et sur le contenu des offres de services proposées par les neuf opérateurs présents dans chaque maison France Services.

Bien évidemment, la qualité, c'est aussi un engagement clair s'agissant du service rendu, et le suivi de la qualité dans la durée, car France Services n'est pas une « boîte à lettres », une structure qui renvoie d'un guichet à un autre : l'usager doit y obtenir une réponse. C'est pourquoi les opérateurs s'engagent, par convention, à indiquer la manière dont ils seront présents dans chaque maison France Services, soit par des permanences, soit par visioconférence, soit par téléphone. Ils doivent également aider les agents polyvalents en cas de démarches complexes. C'est sur la base de ce référentiel de qualité, qui a été rendu public par une circulaire du Premier ministre en date du 1er juillet 2019, que nous conduisons les labellisations France Services. Concrètement, nous avons mandaté nos services, et parfois, en complément, un cabinet d'audit, pour réaliser une inspection générale des maisons France Services ou des MSAP, destinée à s'assurer que les projets de structure proposés par les préfets pour la labellisation respectent l'ensemble des critères inscrits dans le cahier des charges. Si tel est le cas, la structure est labellisée ; dans le cas contraire, la labellisation n'intervient pas tout de suite, le temps de lever les non-conformités identifiées.

L'offre de services de qualité suppose aussi un temps d'ouverture minimum, en l'occurrence vingt-quatre heures par semaine, étant entendu que cela peut être davantage, ce qui est souvent le cas.

Dans un premier temps, nous avons reçu plus de 700 propositions des préfets. Nous en avons labellisé 460 en novembre, puis 74 supplémentaires il y a deux semaines. Pour l'essentiel, cette deuxième phase de labellisation concerne des projets qui avaient été soumis précédemment mais qui avaient fait l'objet de réserves ; une fois celles-ci levées, plus rien ne s'opposait à ce que les structures soient labellisées.

Nous revendiquons depuis le départ ce parti pris de la qualité, et il continuera à guider les prochaines labellisations. Nous préférons être sélectifs, et nous privilégierons toujours la qualité à la quantité, car il n'est pas envisageable que, selon le lieu où la structure est implantée, la garantie de service proposé aux usagers soit différente. Avec le panier de services et la charte, nous proposons un socle de services et une garantie de qualité qui doivent être les mêmes quels que soient l'opérateur en charge et le lieu d'implantation de la maison France Services – dans la ruralité, dans un QPV, à la montagne ou en ville.

Cela dit, les responsables de projet ont tout à fait la possibilité d'aller au-delà de ce socle de qualité, que ce soit en ouvrant plus de vingt-quatre heures hebdomadaires ou en mettant des agents supplémentaires. Le principe, inscrit dans le cahier des charges, est que l'on peut toujours décider de faire plus, mais pas moins.

Le deuxième objectif de France Services est de réaliser, dans les deux années qui viennent, un maillage de tout le territoire, pour garantir l'accès de chaque Français à une structure à moins de trente minutes de chez lui. Le Président de la République a ainsi déclaré qu'il devrait y avoir au moins une maison France Services par canton. Si on écarte les cantons urbains, dans lesquels les principaux services publics sont déjà présents, cela nous conduit à fixer une cible à atteindre, d'ici à 2022, de 1 800 maisons France Services dans les territoires ruraux et de 200 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous travaillons à la réalisation de cet objectif, et les financements ont été inscrits en conséquence. À supposer que nous labellisions « France Services » la totalité des 1 300 MSAP actuelles, il faudrait donc que nous ouvrions a minima, au cours des deux prochaines années, 700 nouvelles maisons, qui devront toutes respecter le niveau de qualité que j'évoquais à l'instant.

Nous devons fournir un travail important pour tenir les délais. Dans les jours qui viennent, nous allons solliciter les préfets pour qu'ils amplifient le mouvement, en liaison avec les élus locaux, notamment les présidents de conseil départemental – j'insiste sur l'importance de ces derniers, car, dans les compétences du département, figure le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public –, mais aussi les maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). La plupart du temps, ce sont les intercommunalités qui sont les vecteurs des maisons France Services et des MSAP ; parfois aussi, comme vous le savez certainement, c'est La Poste qui assume ce rôle. Les projets sont donc soutenus par les collectivités territoriales, par les PIMMS et par La Poste. En outre, la Mutualité sociale agricole (MSA), déjà présente dans les maisons France Services, s'est proposée pour être le support de certaines d'entre elles, ce qui est extrêmement intéressant pour nous, car son réseau en milieu rural est très important. Par ailleurs, comme vous le savez, la MSA vient de procéder au renouvellement de ses délégués par canton, à l'issue d'élections.

Le déploiement des maisons France Services est un enjeu particulièrement important dans les QPV, où il est prioritaire. Pour le moment, seule une cinquantaine de quartiers est couverte par des maisons France Services sur les 460 premières structures labellisées. C'est encore insuffisant. Nous souhaitons accélérer le rythme des labellisations dans les quartiers en identifiant des porteurs de projet, pour remettre du service public dans ces quartiers où il a progressivement disparu.

Par ailleurs, nous sommes très attachés à la diversification des modes d'accès aux services publics. France Services est, le plus souvent, un lieu physique qui gagne à être situé au coeur d'un bourg, là où d'autres services essentiels sont déjà présents, de manière à garantir une fréquentation suffisante. Toutefois, pour répondre aux besoins des populations pour lesquelles aller jusqu'au bourg pose parfois problème, nous croyons aussi beaucoup aux solutions itinérantes. Des dispositifs de ce genre existent déjà, notamment dans le Nord, dans l'Aisne, dans le Gers, dans le Loir-et-Cher ou encore dans le Cantal. J'ai d'ailleurs inauguré récemment à Maurs, au sud d'Aurillac, un système de bus que le conseil départemental avait déjà mis en place pour favoriser l'inclusion numérique ; le président du conseil départemental nous a sollicités et tous les opérateurs ont décidé de rejoindre le dispositif. Autrement dit, il ne faut pas toujours chercher à faire du neuf : certaines choses existent déjà et marchent bien. Je précise d'emblée que nous finançons l'acquisition des bus à travers la Banque des territoires, à hauteur de 30 000 euros l'unité – la somme peut être complétée par le fléchage d'une partie de la dotation d'équipement des territoires ruraux. Je pourrais citer aussi – mais il s'agit là de structures fixes –, les « points info 14 », des points d'accueil que le département du Calvados avait créés, dans lesquels nous avons développé des maisons France Services.

Le troisième objectif est d'étendre progressivement l'offre proposée, pour faire de France Services une véritable maison commune dans chaque territoire : au-delà des neuf opérateurs participant à l'opération, nous avons entamé de nombreuses démarches pour étoffer l'offre de services. Nous travaillons déjà, par exemple, avec la garde des Sceaux pour faire converger le réseau d'accès au droit et les maisons France Services, et rendre ainsi possible la présence dans chaque maison France Services d'un conciliateur de justice. Nous finalisons également l'arrivée d'un dixième opérateur, l'AGIRC-ARRCO, qui a demandé à être présent. Avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et la MSA, il va compléter l'offre proposée en matière de conseil et d'accompagnement pour les retraites. Des discussions ont également été engagées avec d'autres opérateurs nationaux qui ne sont pas encore dans France Services mais qui voient tout l'intérêt que ce réseau peut présenter pour accueillir le public et proposer de nouvelles prestations. À cet égard, et même si le projet n'est pas encore consolidé, on pourrait envisager de permettre l'achat de billets de train dans les maisons France Services – espérons que la SNCF nous entende !

En outre, nous devons rechercher au maximum une mutualisation avec les services proposés par les collectivités territoriales, à l'image des points info 14, dont je parlais précédemment. Le Président de la République a demandé, à l'occasion de la dernière réunion du comité interministériel du handicap, que les maisons France Services soient en mesure d'orienter les personnes en situation de handicap et leurs aidants en développant des liens avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ce serait effectivement très intéressant. Cela existe d'ailleurs dans le Calvados, puisque les points info 14 accueillaient déjà les MDPH.

Enfin, nous souhaitons encourager, au-delà du guichet de services publics, toutes les initiatives qui visent à faire de France Services un lieu de vie et d'activité au coeur des territoires. Les élus ne sont pas en reste pour ce qui est d'avoir des idées originales : un peu partout, ils repensent les lieux d'accueil du public en hybridant les activités, si je puis dire. Tantôt la médiathèque accueille une « micro-folie », tantôt la mairie abrite un espace de coworking et un lieu d'inclusion numérique pour accueillir le public le plus éloigné d'internet. De même, un grand nombre de maisons France Services sont installées dans des lieux abritant d'autres activités. À Montmoreau, en Charente, France Services accueille l'association d'aide à domicile, qui est une antenne de la MDPH. À Thérouanne, dans le Pas-de-Calais, on y trouve un musée archéologique, ce qui attire les enfants et leurs parents : là encore, il s'agit d'une idée tout à fait intéressante. À Marcillat-en-Combraille, près de Montluçon, il existe un service de voitures électriques avec chauffeur pour les personnes qui veulent aller à un rendez-vous de santé, au marché ou que sais-je encore. Nous souhaitons encourager ces regroupements, car ils font de France Services bien plus qu'un guichet de services publics, un véritable lieu de vie et d'échange.

Une même exigence de qualité, quel que soit le territoire desservi ; un maillage le plus fin possible, qui garantit a minima la présence d'une maison France Services par canton d'ici à deux ans ; une offre de services augmentée au-delà des neuf opérateurs déjà présents : vous mesurez, je pense, le changement d'échelle que France Services représente et l'ambition de ce projet. France Services est désormais un programme à part entière de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), comme les plans Action coeur de ville, France très haut débit et Territoires d'industrie.

Je voudrais vous livrer un premier bilan de la mise en place de France Services. Depuis l'ouverture des 460 premières maisons, en janvier, 73 000 demandes ont été traitées. Les cinq opérateurs les plus sollicités sont les caisses d'allocations familiales (CAF), l'assurance maladie, Pôle emploi, le ministère de l'intérieur et l'assurance retraite. Au total, 80 % des demandes ont été totalement satisfaites. Ces résultats sont encourageants. Ils démontrent qu'il existe une véritable attente et, mieux encore, qu'elle est satisfaite dans la grande majorité des cas. Nous devons donc poursuivre dans ce sens et analyser la manière dont nous pourrions améliorer encore ces premiers résultats. À cette fin, nous avons créé, à l'ANCT, un service d'aide au fonctionnement des maisons France Services, qui vise à créer une communauté de service entre les différents lieux sur le territoire.

Enfin, je tiens à souligner la forte mobilisation de tous les acteurs concernés – les opérateurs, les collectivités et les autres ministères. Chacun est attaché à la réussite de ce programme et convaincu de la pertinence de la solution proposée. Je voudrais citer en particulier, bien sûr, La Poste et la Banque des territoires, qui sont présentes à toutes nos réunions de pilotage et qui apportent, en plus des financements, de véritables améliorations concrètes dans le déploiement de cette politique publique, en matière d'équipement informatique des maisons, de financement des bus, sans oublier le lancement de nouveaux services tels les facteurs France Services, qui vont au domicile des personnes qui ne peuvent pas se déplacer pour les renseigner et les aider à accomplir leurs démarches. Une expérimentation a été lancée dans les maisons France Services, opérée par La Poste et, au vu des premiers retours, nous envisageons de la généraliser.

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