Monsieur le Premier ministre, après l'échec, en commission spéciale puis en séance publique, de l'examen du projet de loi relatif à la réforme des retraites, trente-neuf articles, vingt-sept habilitations à légiférer par ordonnance et des centaines d'amendements n'auront fait l'objet d'aucun examen de fond. Nul ne peut sérieusement prétendre aujourd'hui que la représentation nationale est correctement informée des tenants et des aboutissants de cette réforme importante, une telle information relevant pourtant d'une obligation constitutionnelle. Il est regrettable que vous ayez préféré la démocratie expéditive au débat de fond.
Demain, à dix heures trente, la commission des affaires sociales examinera la proposition de résolution du groupe Socialistes et apparentés tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sincérité de l'étude d'impact – une étude critiquée par le Conseil d'État, les organisations syndicales et la plupart des analystes, y compris des économistes jadis proches de vous qui prennent aujourd'hui leurs distances. La recevabilité juridique de cette proposition ne fait aucun doute, et il est d'usage républicain d'accepter comme un droit fondamental de l'opposition la création d'une telle commission d'enquête. Celle-ci permettrait d'éclairer utilement la représentation nationale, toute la représentation nationale.
J'entends pourtant dire dans vos rangs et parmi vos ministres que le Gouvernement et la majorité pourraient être tentés d'y faire obstacle. Ce serait une décision grave et funeste pour notre démocratie parlementaire, et une vilenie supplémentaire faite aux Françaises et aux Français.
Monsieur le Premier ministre, comme chef du Gouvernement et dans le respect de la séparation des pouvoirs, mais surtout comme chef de la majorité – que vous venez souvent voir à l'Assemblée – , pouvez-vous nous assurer que nos craintes ne sont pas fondées et que vous ferez tout votre possible pour que ce droit fondamental du Parlement soit respecté ?