C'est une question de fond que j'avais abordée, sous un autre angle, durant le débat sur la loi ordinaire. Nous assistons à la transformation de notre modèle, qui est aujourd'hui mixte, plutôt bismarckien que beveridgien, plutôt assurantiel qu'assistanciel : avec cette réforme, il dérive vers un système fondé sur l'assistance, qui se caractérise par un filet minimum de retraite pour un grand nombre de pensionnés, par l'exclusion du dispositif des 1 % les plus riches – pour commencer ! – , par une forme d'étatisation du pilotage et par la nomination, dès 2022, du directeur du conseil d'administration de la CNRU, la Caisse nationale de retraite universelle, qui reviendra sans nul doute au conseil des ministres, et certainement pas aux partenaires sociaux. Ce pilotage sera en outre soumis à des contraintes financières, notamment au respect de la règle budgétaire, ce qui reviendra essentiellement à corseter le dialogue social, à mettre en quelque sorte une camisole sur le paritarisme qui ne sera plus qu'un paritarisme d'apparence mais qui, en réalité, n'aura pas la main sur ce dispositif.
Cette réforme se situe dans la suite logique de celle de l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce. La lettre de cadrage de la ministre du travail contenait une forme de meurtre prémédité du paritarisme, puisque l'échec était inscrit dans les conditions posées aux partenaires sociaux. Il s'agissait d'une équation impossible, un peu comme ce que vous proposez dans le cadre de la conférence de financement. On peut donc s'interroger sur le modèle que vous appelez de vos voeux. Vous ne cherchez pas l'équilibre : vous exprimez une préférence très claire pour la centralisation, l'étatisme et le système assistanciel.