Nous revenons ici à cette nécessité d'aider nos partenaires à restructurer leurs administrations et leurs forces– de les restructurer ou de les structurer ‒, de façon à ce que les structures étatiques puissent être déployées sur l'ensemble de leurs territoires. Bien souvent, on trouve vraiment dans les administrations locales des gens de qualité, mais la présence de l'État dans les territoires est parfois inégale.
S'agissant de la chaîne pénale évoquée tout à l'heure, il y a des territoires au Mali dans lesquels il n'y a plus de tribunaux, ni même de postes de gendarmerie ou de police. Non seulement Expertise France, CIVIPOL et d'autres organismes doivent apporter leur soutien à la reconstruction de la chaîne pénale, mais en plus, et nous revenons à ce continuum entre sécurité et développement, il est important de mettre en place des moyens de sécurisation des lieux où sont redéployés les services publics en aval des opérations militaires. Il s'agit de mettre sur pied un continuum pénal, avec des gendarmes dans des enceintes fortes qui puissent résister à des attaques ‒ parce qu'il est vrai que les gendarmes sont harcelés par l'ennemi, et c'est pour cela qu'ils ne sont pas présents dans certaines régions ‒, et avec des tribunaux eux aussi sécurisés.
Le problème démographique, Monsieur Furst, et en particulier la question des naissances, est en effet majeur. Quand nous nous déplacions sur le terrain, nous ne voyions dans la rue que des jeunes. La jeunesse n'est pas un problème en soi, mais cette jeunesse n'a pas d'avenir, pas de ressources économiques lui permettant de s'émanciper et de trouver finalement sa voie et son bonheur, nous allons forcément voir naître des frustrations.
S'agissant, Madame Bureau-Bonnard, de la coopération dans le secteur de la santé, il faut noter en premier lieu que la structuration du système de santé constitue en soi un champ d'aide au développement. Notre expertise est reconnue ; elle doit être consolidée, car ce champ d'aide au développement est très nécessaire. Mais nous retrouvons dans cette voie ici deux problèmes, dont le premier tient à la difficulté de maintenir des services publics dans des zones non sécurisées. Il en va de même que pour les tribunaux : difficile de maintenir des dispensaires sans un minimum de sécurité. La construction d'un système de santé est un effort de longue haleine, qui doit être et qui est mené par nos partenaires africains eux-mêmes. Ceux-ci ont leur vision de leur schéma sanitaire, qui s'inscrit dans le temps long puisque tout ce qui relève de la politique de santé ne se fait pas en quelques mois mais sur des années ; la France, l'Europe, les autres bailleurs et les ONG accompagnent nos partenaires dans leurs projets.
En second lieu, votre question concerne aussi l'aide médicale à la population offerte par nos forces en opération. Bien entendu, lorsque nos forces opèrent dans certaines zones, elles peuvent conduire très rapidement des actions de CIMIC, c'est-à-dire que nos médecins militaires vont tout de suite au contact de la population. Mais comme je le disais tout à l'heure, ce sont des actions ponctuelles pour montrer à la population que notre présence n'est pas négative pour elle, mais en aucun cas il ne s'agit d'un programme de développement. Ce n'est d'ailleurs pas à nos armées que cela incombe, mais à nos partenaires africains, avec le soutien des bailleurs et des ONG. Précisons d'ailleurs que le contrôle de la démographie passera par là aussi, par des programmes de santé, de prévention, et d'éducation à la santé.