Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Soutenir la possibilité, pour tous les enfants, de partir en colonie, c'est faire vivre le droit aux vacances. Aujourd'hui, près de trois millions d'enfants n'en bénéficient pas dans notre pays. Pour eux, les vacances sont synonymes, au mieux, d'ennui. Ils n'ont pas hâte d'être en vacances, car ils savent que personne ne pourra vraiment s'occuper d'eux pendant cette période ; ils ont plutôt hâte que l'école reprenne afin que leur isolement soit rompu. Quelle tristesse de voir ces enfants abandonnés à eux-mêmes alors que cela pourrait être un temps d'éducation par le jeu, et quel constat terrible pour tous ceux qui se souviennent avec quel enthousiasme ils ont eu la chance d'attendre les vacances ! Tous n'ont pas cette chance ! La proposition de loi vise à leur offrir.

Les enfants dont nous parlons sont enfermés dans leur lieu de vie, leur quartier et leur village. Ils n'en sortent jamais ou alors exceptionnellement : ils n'ont jamais vu la mer, jamais vu la montagne, jamais visité la grande ville à côté de chez eux – même quand ils habitent dans sa banlieue la plus proche. Ils n'ont jamais pris un escalator, le bus – en dehors du ramassage scolaire –, le train et encore moins l'avion, parce que les parents n'ont pas les moyens de partir en famille ou n'ont pas eux-mêmes de vacances en même temps que leurs enfants, voire ne sont jamais partis eux-mêmes en vacances, ou si peu.

Les colonies de vacances permettent de rompre avec le quotidien et de s'éloigner d'un environnement parfois difficile. C'est un moment privilégié pour l'éducation populaire, l'émancipation et la construction des futurs citoyens. Le droit aux vacances, particulièrement sous la forme des colonies de vacances, participe pleinement de la conception républicaine de la vie en commun : au-delà des activités proposées, les enfants apprennent ce qu'est la vie en collectivité, y compris dans ses aspects quotidiens. Les rencontres qu'ils font sont un moment privilégié pour l'apprentissage concret de la citoyenneté.

Par la liberté que les colonies de vacances octroient, loin des familles mais dans un cadre sécurisé et rassurant, les enfants découvrent de nouveaux horizons et se découvrent parfois eux-mêmes. Les voyages forment certes la jeunesse, mais tous n'ont pas cette occasion de grandir, d'apprendre à quitter temporairement leur domicile et leur famille. Car partir est un apprentissage et contribue pleinement à l'émancipation que notre système éducatif républicain aspire à réaliser, c'est-à-dire permettre à tous les enfants de s'arracher au déterminisme social pour faire leurs propres choix et vivre la vie qu'ils auront décidé de mener, indépendamment de leur milieu initial, qui est celui des parents. Cette promesse est trop rarement tenue, mais elle nous montre l'objectif. Nous devons mettre en oeuvre les moyens permettant de l'atteindre.

Les colonies de vacances peuvent être un moment privilégié pour assurer un apprentissage dans un cadre collectif, au lieu d'encourager encore l'individualisme forcené dont notre société souffre tant. Les colonies de vacances font vivre l'égalité, car pendant ce temps les origines géographiques et sociales sont atténuées voire oubliées. Les enfants participent aux mêmes activités collectives et se font de nouveaux amis qui viennent souvent d'horizons différents. Alors que la carte scolaire suffit rarement à créer une véritable mixité sociale au sein de l'école républicaine, les colonies de vacances peuvent y contribuer largement. En réunissant dans un même lieu des enfants venant de différentes régions, elles permettent d'appréhender simplement des façons de vivre différentes de celles qu'ils connaissent.

Je pense que nous sommes largement d'accord sur les objectifs de cette proposition de loi. Je voudrais revenir sur les points que certains n'approuveront sans doute pas. Offrir cette liberté à tous les enfants a un prix que toutes les familles ne peuvent pas payer. Nous ne voulons abandonner aucun enfant. Aussi nous proposons de financer les colonies de vacances grâce à un fonds gagé par une taxe sur l'hôtellerie de luxe. C'est ainsi la solidarité nationale qui permettra aux enfants de partir en vacances. Ceux qui ont les moyens de s'offrir des vacances de luxe paieront pour les vacances des enfants dont les familles n'ont pas les moyens de financer un séjour même court. C'est la fraternité que nous voulons réaffirmer par cette mesure, ailleurs que sur les frontons de nos écoles et de nos mairies. La fraternité n'est pas un principe déclaratoire et abstrait : c'est l'organisation d'une solidarité concrète par laquelle les plus riches paient pour que les enfants pauvres puissent aussi partir en vacances.

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