J'ai déposé, dès mars 2018, une proposition de loi relative à la tarification de la restauration scolaire, signée par plus de 130 collègues. Je suis donc heureux, madame la rapporteure, que vous remettiez le sujet sur la table avec votre proposition de loi pour des cantines vertueuses, d'autant que je vous rejoins sur certains points.
Comme vous, je pense que la cantine est un levier essentiel au service de la nécessaire transition écologique. Comme vous, je pense qu'il est nécessaire de faire fonctionner un triangle vertueux associant les producteurs et les consommateurs, sans oublier et même en mettant en avant les collectivités territoriales. Comme vous, je pense que la restauration scolaire doit répondre à une exigence de justice sociale – je dirai même de cohésion sociale – à l'heure où un enfant sur cinq vit malheureusement en dessous du seuil de pauvreté. Comme vous, enfin, je pense que la cantine joue un rôle fondamental en matière de santé publique et peut être un levier sanitaire de premier plan.
Cependant, j'estime que vous avez oublié un point fondamental au sujet des cantines scolaires, à savoir qu'il s'agit d'un service profitant avant tout aux enfants eux-mêmes et à leurs apprentissages : si la cantine est si importante, c'est parce qu'il est impossible d'apprendre quand on a le ventre vide. Pour les trois millions d'enfants pauvres que compte notre pays, le repas pris à la cantine est parfois malheureusement le seul vrai repas qu'ils prendront au cours d'une journée. Pour moi, c'est donc essentiellement pour garantir à tous les enfants des conditions d'apprentissage correctes qu'il est nécessaire de faire évoluer la tarification des cantines scolaires.
En avril 2019, sous l'impulsion des députés du groupe La République en Marche, ayant donné lieu à un débat auquel j'ai apporté ma contribution, le Gouvernement a mis en place le dispositif de cantine à 1 euro, constituant le premier pas d'une dynamique qu'il convient, certes, d'amplifier et d'adapter afin de la rendre plus efficace.
Pour ce qui est de votre proposition, je suis désolé de devoir vous dire qu'elle manque totalement les objectifs que vous fixez vous-même. Envisager, comme vous le faites, d'établir un service public de la restauration scolaire, c'est le meilleur moyen de sortir les collectivités territoriales du cercle vertueux où elles se trouvent. Il faut, au contraire, continuer à impliquer l'échelon local, car ce sont les initiatives locales, appuyées financièrement et structurellement par l'État, qui permettent de coller au mieux à la réalité des habitants des territoires. À ce titre, les collectivités accomplissent un travail de grande qualité.
Par ailleurs, avec votre proposition, vous ratez également l'objectif pourtant essentiel de faisabilité, ce qui est un comble. Votre financement se base d'abord sur la réintroduction de l'ISF, qui n'existe plus. Hypothéquer le financement de votre proposition sur quelque chose qui n'existe pas, ce n'est pas très sérieux ! Vous évaluez votre proposition à 3 milliards d'euros de financement pour un peu plus d'un milliard de repas servis chaque année. Vous proposez donc d'instaurer la gratuité pour un service censé coûter environ 3 euros par repas : avec cette évaluation, vous êtes bien en dessous de la réalité, puisqu'un repas de qualité revient plutôt à 7 euros aux collectivités, ce qui représente un différentiel non négligeable.
Le financement des cantines scolaires et l'établissement d'une démarche vertueuse ne sauraient se passer d'une démarche réaliste. Au passage, on peut d'ailleurs regretter que vous n'ayez manifestement pas pris le temps de consulter les acteurs impliqués au moyen d'auditions, qui vous auraient sans doute permis d'aboutir à un travail plus convaincant. Vous avez évoqué à plusieurs reprises des promesses faites par le Gouvernement et sa majorité ; or il ne s'agit pas de simples promesses, puisque les dispositifs évoqués ont donné lieu à des lois et à des mesures concrètes. Vous faites d'ailleurs vous-même référence à la loi EGALIM, en disant qu'il va être compliqué de faire passer l'objectif de présence de produits bio au menu des cantines de 4 % à 20 %, comme le prévoit la loi, tout en proposant vous-même d'inscrire dans la loi un objectif de 70 % – un autre exemple du manque de réalisme de votre proposition.
Par ailleurs, vous devriez préciser que l'aide de l'État permet aujourd'hui à de nombreuses métropoles de proposer aujourd'hui des repas à moins de 1 euro. Pour ce qui est du prix du repas, plutôt que la gratuité pour tous, je propose, pour ma part, l'instauration d'un principe de solidarité et de redistribution : à la doctrine aveugle et chimérique que vous avez défendue, j'oppose un ensemble de mesures permettant de répondre de façon adaptée, concrète et réaliste, une alternative plus juste et plus ambitieuse sur le plan social, et totalement viable sur le plan économique, tout en répondant aux enjeux écologiques et au maintien nécessaire du lien avec les territoires.