Intervention de Michèle Victory

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

La lutte contre la pauvreté et pour le recul des inégalités reste un enjeu majeur. Or les associations luttant pour les droits fondamentaux des enfants, comme l'UNICEF, nous le rappellent avec insistance : sur les 8,7 millions de Français pauvres, 2,76 millions sont des enfants.

Dans le cadre des indices déterminant la pauvreté, l'INSEE utilise une liste de besoins fondamentaux, comme le fait de pouvoir, pour les adultes, consommer de la viande ou une autre source de protéines au moins tous les deux jours. S'y ajoutent des besoins spécifiques aux enfants, comme la consommation quotidienne de fruits et de légumes, la possibilité d'inviter des copains à la maison pour jouer ou de disposer d'un endroit calme où faire ses devoirs. Les enfants concernés par cette proposition de loi subissent des privations, en particulier en matière d'alimentation.

Selon une étude du Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO), 55 % des établissements scolaires interrogés ne proposent pas aujourd'hui de politique tarifaire spécifique, et seuls 22 % d'entre eux appliquent une grille allant, pour les familles les plus modestes, jusqu'à la gratuité. Les chiffres sont parlants : 40 % des enfants de familles défavorisées ne déjeunent pas à la cantine, contre 17 % des enfants de catégories plus favorisées. Cette inégalité, qui joue dès la maternelle et qui est depuis longtemps dénoncée par des associations caritatives ainsi que par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), s'ajoute à celles contre lesquelles nous devons nous engager avec force afin de nous rapprocher de l'idéal que porte notre école républicaine et qui vise précisément à corriger les inégalités et à permettre à nos enfants de s'épanouir.

L'apport sanitaire d'une politique permettant à toutes les familles d'accéder aux cantines scolaires n'est plus à démontrer. On sait à quel point influent sur la vie scolaire, sur les apprentissages et sur la capacité à être réceptif et concentré la lutte contre l'obésité, la malbouffe et l'absentéisme médical, et l'accès aux apports nutritionnels. Certaines études montrent que le fait de partager un repas augmenterait la quantité d'aliments absorbés, ce qui limite le grignotage, source de problèmes sanitaires qui collent aux inégalités sociales.

Le temps de la cantine est aussi celui d'une expérience de socialisation importante, au cours de laquelle les différences peuvent s'estomper au profit d'un sentiment d'appartenance à un groupe. L'organisation de repas pris en commun et reposant sur des règles communes participe également des aspects positifs de la restauration collective, qui permet de fixer un cadre à des enfants qui s'en sont bien souvent affranchis.

Le droit à la cantine doit donc devenir effectif.

Les aides mises en place au travers de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont ne bénéficient que les communes bénéficiaires de la fraction « cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR), c'est-à-dire les 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants les plus défavorisées, ne sont pas en adéquation avec les difficultés que rencontrent nombre de municipalités. Or ce sont les communes les plus petites qui ont le plus de mal à s'engager dans une telle politique – 81 % des villes de plus de 100 000 habitants l'ont en effet déjà appliquée. Il s'agit donc bien de permettre à l'ensemble des communes et des établissements scolaires de répondre à cette problématique. Trois enfants – quatre dans les réseaux REP+ – par classe arrivent encore à l'école sans avoir pris de petit-déjeuner.

Le texte que nous proposent nos collègues du groupe La France insoumise repose tant sur une ambition forte que sur un modèle vertueux, où le rôle de l'alimentation interroge de manière générale nos pratiques, l'organisation de nos réseaux, la place des lobbies et notre projet de société. La question est donc relativement simple : quels mécanismes faut-il soutenir afin que les collectivités rendent ce service accessible à tous ? Il s'agit bien, pour nous, de défendre un système permettant une régulation alimentaire et ne se contentant plus d'inciter les communes à s'orienter vers des tarifications plus justes.

Seules 31 % des collectivités prennent en compte la composition des revenus de la famille pour la facturation des repas : le caractère non contraignant de la législation en la matière n'est, à l'évidence, pas compatible avec l'objectif de réduction des inégalités. Il s'agit donc de mettre en place un système permettant à tous les enfants d'accéder à ce service de première nécessité. À la gratuité universelle, mon groupe préférerait une uniformisation des tarifs permettant aux seules familles les moins favorisées de ne pas payer les repas.

Cependant, les exemples offerts par d'autres pays européens, notamment par le Royaume-Uni où l'absence totale de restauration collective scolaire jusqu'à une période récente a entraîné d'immenses problèmes sanitaires, ou par la Suède et la Finlande qui ont, elles, choisi un système de restauration scolaire gratuit, montrent clairement les apports bénéfiques de la gratuité. Nous soutenons donc la cohérence de la démarche affichée par ce texte et voterons en sa faveur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.