Madame la vice-présidente, mesdames et messieurs les députés, je vais centrer mon propos, en complément de celui de M. Guillaume Chabert, sur les éléments clés qui vont perdurer dans le système après la réforme.
Si la zone franc comprend trois zones monétaires en Afrique, elle n'est pas une zone monétaire en elle-même. C'est une zone structurée autour d'accords bilatéraux entre la France et ces trois zones monétaires, mais il n'y a pas d'accord entre ces trois zones monétaires. Les trois monnaies n'ont pas de régime particulier les unes par rapport aux autres. Par exemple, elles ne sont pas librement convertibles les unes avec les autres. Le régime de convertibilité est similaire à celui de toutes les monnaies du monde. La zone franc n'est donc pas une zone monétaire.
Deuxièmement, les accords de coopération monétaire avec la France sont destinés à aider ces pays dans le maintien de leur choix du régime de change. Les pays de l'UEMOA, comme les pays de la CEMAC ou les Comores, ont choisi un régime de change fixe. Ce régime de change fixe donne un cadre à la politique monétaire de ces trois zones, dont le principal objectif est de maintenir la parité au titre de ce change fixe.
À travers la garantie inconditionnelle et illimitée que la France apporte, les accords de coopération visent à soutenir le choix d'un régime de change fixe. La France doit fournir, de manière inconditionnelle et illimitée, des devises en cas d'épuisement des réserves. C'est pourquoi il est important que nous ayons aussi la garantie que les États centralisent la totalité de leurs réserves dans leur banque centrale commune. C'est une condition importante de l'accord.
Ce régime de change fixe n'est pas un choix aberrant ou exceptionnel. Une majorité de pays africains ont choisi des régimes de change fixe. D'après le Fonds monétaire international (FMI), le seul pays d'Afrique avec un régime de flottement libre est la Somalie, parce qu'il ne contrôle rien. Ce choix de régime de change fixe est normal dans des pays qui n'ont pas encore une crédibilité monétaire suffisante et qui ont besoin d'avoir un ancrage externe. Les pays en voie d'acquérir cette crédibilité ont des régimes de change gérés, dans lesquels existe une banque centrale qui intervient pour réguler le taux de change, afin d'éviter une dépréciation ou une appréciation trop rapide du taux de change, qui entraînerait des effets macroéconomiques difficiles à gérer. Les pays de l'UEMOA appartiennent à la catégorie des pays à faibles revenus. Et la majorité des pays de cette catégorie ont choisi un régime de change fixe. Étant donné le développement de leur économie et de leur système financier, le choix d'une ancre externe est ainsi particulièrement pertinent.
Durant les deux dernières décennies, ce régime de change fixe a été particulièrement efficace pour maintenir cette ancre avec des taux d'inflation qui, dans les zones UEMOA et CEMAC, ont été proches de leur cible de 3 % et même légèrement inférieurs à cette cible. Au contraire, dans le reste de l'Afrique subsaharienne, les taux d'inflation approchent les deux chiffres – ce qui est perturbant sur le plan macroéconomique.
Le choix d'un régime de change fixe est lié à celui d'avoir une union monétaire. Dans une union monétaire, il faut partager et mutualiser ses réserves de change. La politique de change est donc commune. Elle est facile quand une règle simple existe, c'est-à-dire un régime de change fixe dans lequel une parité donnée est défendue, ou un régime de flottement complètement libre comme dans la zone euro. Mais si ces règles simples n'existent pas et si le taux de change doit être géré, il faut une politique de change active afin de déterminer le meilleur taux de change et les interventions de la banque centrale, avec des niveaux de réserves parfois limités. Et au sein d'une union monétaire, ce serait compliqué de trouver un consensus suffisant pour gérer cette politique de change.
Deux éléments confortent ainsi le choix d'un taux de change fixe dans ces pays : leur développement économique et leur choix d'avoir une union monétaire.
L'autre union monétaire, en dehors de la zone euro, celle des Caraïbes, a également fait le choix d'un taux de change fixe.
Je souhaitais aussi lever deux ambiguïtés afin de démentir les idées fausses à propos du système actuel. La première concerne le fait d'utiliser l'expression convention monétaire, car, du côté de la France, ce n'est pas une convention monétaire. Le financement est entièrement assuré par des fonds budgétaires. C'est pourquoi ni la Banque de France ni a fortiori l'Eurosystème et la BCE ne participent directement ou indirectement au financement de cet accord. La seconde concerne l'idée que la France donnerait une garantie de convertibilité de la monnaie. Toutefois, elle la donne uniquement aux banques centrales, c'est-à-dire qu'en cas d'épuisement des réserves, ces banques centrales peuvent retirer des euros sur le compte du Trésor français. Et cela n'implique ni la convertibilité de cette monnaie ni l'approvisionnement en euros de tous les porteurs, que ce soient des agents économiques ou des États. Cette garantie de convertibilité est tout à fait compatible avec une convertibilité limitée des monnaies, grâce au contrôle des changes.
Certaines idées fausses circulent également parmi les adversaires de la zone franc. Tout d'abord, l'idée selon laquelle la France contrôlerait l'émission monétaire de la monnaie, parce que les billets sont imprimés par la Banque de France est évidemment totalement fausse. Les banques centrales émettrices bénéficient du seigneuriage sur cette monnaie, la Banque de France imprimant des billets au titre de relations commerciales. Dans la plupart des pays africains, l'impression est faite par des sociétés privées européennes, autres que la Banque de France. Cette dernière intervient pour sa part pour imprimer des billets dans d'autres pays extérieurs à la zone franc, par exemple à Madagascar. L'impression des billets est donc réalisée dans un cadre purement commercial.
On entend aussi que les réserves de change de l'UEMOA ont été bloquées au Trésor français : la réforme vise précisément à apporter une réponse à cette assertion. Mais, en réalité, ces réserves n'étaient pas bloquées au Trésor français. Il ne s'agissait pas d'un compte séquestre servant de collatéral pour la garantie. Lorsque ces pays ont eu besoin d'utiliser leurs réserves de change, ils les ont retirées sur le compte du Trésor français, parce que c'était un compte à vue. En fait, la garantie commençait à jouer lorsqu'il n'y avait plus de réserves, c'est-à-dire lorsque le compte lui-même était totalement épuisé. L'idée que ce compte puisse servir de collatéral à la garantie est fausse.
Enfin, la dernière idée fausse est que la France aurait un droit de veto sur les décisions de la BCEAO. Au sein des organes de gouvernance technique de la banque centrale, elle n'a en réalité qu'une voix parmi neuf. Ce n'est en aucun cas un droit de veto.
Le rôle de la Banque de France est d'apporter son concours à l'État, dans le cadre d'une convention de services, pour l'analyse du risque et des différentes activités liées aux relations avec la zone franc. La Banque de France est simplement mandataire de l'État. Elle ne participe en aucun cas à l'engagement financier de la France.
La Banque de France a des relations étroites avec la BCEAO, comme avec les autres banques centrales de la zone franc, au moyen d'accords de coopération bilatérale. Ces accords existent avec d'autres banques centrales, même si ceux liant la Banque de France et la BCEAO sont extrêmement développés. Ils concernent tous les métiers de la banque centrale. Leur nature est la même que celle des accords que nous avons par exemple avec la Banque du Maroc ; cela n'est pas lié à la zone franc. La réforme ne remet pas ce fait en cause.
La Banque de France a également des relations commerciales avec la BCEAO, parce qu'elle lui fournit les billets. C'est un client important, le deuxième après la zone euro pour l'impression des billets. La Banque de France a évidemment aussi des relations bancaires avec la BCEAO, parce que nous lui fournissons des services bancaires. Celle-ci a un compte à la Banque de France, comme beaucoup d'autres banques centrales. Elle a aussi un compte-titres. La Banque de France a donc des relations de clientèle avec la BCEAO, comme avec beaucoup d'autres banques centrales. Mais elles ne sont pas directement liées à la zone franc.