Intervention de Guillaume Chabert

Réunion du mercredi 12 février 2020 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Guillaume Chabert, chef du service des affaires multilatérales et du développement de la direction générale du Trésor :

Au sujet du bilan de la coopération monétaire en Afrique de l'Ouest, les objectifs qui lui étaient assignés comprenaient la stabilité, incluant notamment une inflation faible et un cadrage macroéconomique favorable au développement et à la croissance. Et cela a fonctionné. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à la poursuite de cette coopération monétaire avec les fondamentaux que sont la parité fixe et, afin que cette parité soit crédible, la garantie de la France.

En matière d'inflation, la zone UEMOA, comme la CEMAC, est significativement plus performante que l'ensemble de l'Afrique subsaharienne. Lorsque nous comparons par exemple la Côte d'Ivoire et le Ghana, le taux de change du franc CFA est stable, de même que l'inflation qui est autour de 3 %, voire moins. Au contraire, le cedi ghanéen n'a cessé de se déprécier, dans un pays où l'inflation a régulièrement été au delà de 10 %. Cela constitue ainsi une perte évidente pour les acteurs économiques en termes de pouvoir d'achat des entreprises et des particuliers, et donc d'impact sur la pauvreté.

La croissance de l'UEMOA est l'une des plus fortes au monde : plus de 6 % par an depuis presque dix ans. La Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Bénin font partie désormais, régulièrement, des dix pays dont la croissance est la plus élevée dans le monde. La coopération monétaire fonctionne puisque nous avons à la fois la stabilité macroéconomique et le développement. Bien entendu, la croissance et le développement ne sont pas uniquement liés à la monnaie, mais le cadrage macroéconomique y contribue. Le bilan que nous faisons de la situation est très positif.

Concernant le retrait des instances de gouvernance et la maîtrise du risque par la France, nous sommes désormais dans une position de pur garant financier et non plus de co-décideur, même si, jusqu'ici, nous étions en position très minoritaire dans les instances. Comme tout garant financier, il nous faut les moyens de piloter notre risque et, le cas échéant, des canaux de dialogue si notre risque devait se concrétiser. Dans la pratique, nous avons travaillé avec les autorités de l'UEMOA, en particulier la BCEAO, sur un cadre de reporting concernant les éléments d'information financière, sur l'évolution des réserves, les perspectives et les évolutions monétaires dans la zone. Cela nous permet d'avoir le même niveau d'information du suivi de notre risque qu'auparavant, sans être co-décideur, et un canal de dialogue lorsque la situation est critique, c'est-à-dire lorsque nous nous approchons d'une situation où la garantie de l'État pourrait être appelée. Ce canal de dialogue nous permet de faire valoir notre point de vue sur la restauration des grands équilibres. Fondamentalement, cette réforme de gouvernance est politique. Du côté français, elle garantit la maîtrise de notre risque. C'était évidemment un des enjeux de la réforme.

La demande des huit pays de l'UEMOA était de conserver la parité fixe avec l'euro. L'idée n'est pas de passer à un panier de devises ou d'aller vers une autre situation. Si la demande en était exprimée, nous nous poserions cette question à ce moment-là. Mais la situation de la France est différente si elle apporte une garantie en euros, puisque c'est notre monnaie, ou si elle apporte une garantie sur un panier de devises, sur lequel il y a un risque de change relatif à l'évolution des autres monnaies par rapport à l'euro. S'agissant de la maîtrise du risque, cela conduirait à une situation très différente. Mais – j'insiste – la question ne s'est pas posée.

Au sujet de la maîtrise de l'inflation et de l'impact sur le développement, les accords de coopération monétaire ont donc contribué à la stabilité, à la croissance et au développement, même si le développement et la croissance reposent sur une multiplicité de facteurs. La monnaie n'est pas le seul facteur expliquant les trajectoires de développement et de croissance des différents pays.

Concernant l'intégration régionale, il me semble que le PIB du Nigéria constitue 70 % du PIB total de la CEDEAO. C'est une proportion massive. Cet aspect devrait faire l'objet d'une discussion entre les pays de la CEDEAO, mais nous n'y prendrons pas part, bien que nous y soyons favorables. La France est effectivement favorable à l'intégration régionale dans l'UEMOA et aussi plus largement au sein de la CEDEAO, parce que l'intégration régionale réelle permet le développement, la croissance et la stabilité. Néanmoins, la question des équilibres institutionnels au sein de la CEDEAO concerne les pays membres.

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