Intervention de Cédric O

Réunion du mardi 25 février 2020 à 17h15
Commission des affaires économiques

Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique :

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique est un projet de loi qui fera date, comme l'a déclaré notre ministre de la culture, M. Franck Riester. Il s'agit de repenser et de moderniser le secteur de l'audiovisuel, en profonde mutation, son financement et sa régulation, sans sacrifier, bien évidemment, les spécificités qui font aujourd'hui les forces de notre modèle, notamment son exigence de diversité culturelle. Le secteur de l'audiovisuel et du cinéma français connaissent une transformation profonde, dans un contexte évolutif marqué par l'émergence d'acteurs internationaux majeurs – Netflix, Amazon ou Disney –, ainsi que par une multiplication des écrans vidéo et l'apparition de nouveaux usages, tel que le visionnage de contenus à la demande. La loi de 1986 et les empilements réglementaires successifs qui forment l'encadrement complexe en vigueur apparaissent dès lors en partie obsolètes, rigides et incompatibles avec la structuration économique du secteur.

L'encadrement attendu, tout en s'étendant aux nouveaux entrants, doit permettre une régulation plus agile et plus efficace, respectant les objectifs de politiques publiques de diversité culturelle et de forte performance des industries du secteur. Il doit également être simplifié, en renvoyant davantage à la négociation professionnelle et aux conventions conclues avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), pour s'adapter à la diversité des modèles. Pour répondre à ces enjeux, le projet de loi examiné en conseil des ministres le 5 décembre 2019 modifie profondément le cadre législatif et réglementaire actuel avec trois objectifs principaux.

Le premier objectif est de mieux soutenir le développement et la création audiovisuels, notamment en intégrant les plateformes numériques dans le financement et la diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises et européennes, en allégeant les contraintes légales pesant sur les services de télévision en matière de publicité, en supprimant les jours interdits pour la diffusion de films de cinéma ou en prévoyant l'évolution technologique des médias radio et télévision vers des formats de diffusion numérique améliorés.

Le deuxième objectif est de moderniser la régulation du secteur, avec la fusion entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), l'institutionnalisation de la coopération entre le CSA et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ou la création d'un service technique d'appui aux différentes autorités compétentes en matière de régulation du numérique. Ce volet est complété par la transposition du volet « plateformes de partage de vidéos » de la directive sur les services de médias audiovisuels, dite « SMA », en cohérence avec l'approche globale du Gouvernement sur ces sujets de régulation numérique, c'est-à-dire une responsabilisation accrue des acteurs et l'instauration d'un cadre de supervision. Sur des sujets tels que la lutte contre le piratage, le streaming sportif ou la protection des mineurs en ligne, le projet de loi permettra de renforcer l'arsenal à la disposition du régulateur.

Le troisième objectif est de transformer l'audiovisuel public à l'ère numérique. La gouvernance sera ainsi rénovée par la création d'un groupe ayant à sa tête une société mère unique, France Médias, qui devra définir une stratégie globale. La composition des conseils d'administration et le mode de désignation des dirigeants seront également révisés. La présence du secrétaire d'État au numérique que je suis devant votre commission se justifie notamment parce qu'il s'agit d'adapter la régulation de notre modèle culturel à l'émergence d'internet et de nouveaux acteurs, qui captent une part croissante de la valeur.

S'agissant des articles dont votre commission a été saisie au fond, les articles 60 et 61 modifient le code de commerce pour accroître l'efficacité des procédures en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

L'article 60 permet des avancées majeures, afin de simplifier la procédure applicable devant l'Autorité de la concurrence (ADLC) et de moderniser les outils dont elle dispose, ainsi que les enquêtes conduites par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l'Autorité de la concurrence.

L'article 61 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive « ECN + » visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens d'appliquer plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché. Il habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie, et de simplifier la procédure relative à la clémence. Parmi les mesures nécessitant une modification du droit interne figure notamment la possibilité pour l'ADLC de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles ; de se saisir d'office afin d'imposer des mesures conservatoires, disposition qui pourra lui permettre d'intervenir plus rapidement, en particulier dans des secteurs où les conséquences d'une pratique anticoncurrentielle peuvent être très dommageables, comme c'est le cas dans le domaine numérique ; de pouvoir accéder aux données numériques stockées sur des serveurs distants.

L'article 64 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de douze mois les dispositions visant à transposer la directive du 11 décembre 2018 instaurant le code des communications électroniques européen, lequel incite les États membres à faire beaucoup de choses que nous faisons déjà en France, notamment une régulation reposant sur le co-investissement en matière de fibre et une planification du déploiement des réseaux très haut débit (THD) publics et privés. Cette bonne adéquation nous permettra de ne pas modifier substantiellement le cadre réglementaire de régulation des réseaux, à un moment où des investissements lourds sont ou seront engagés dans la fibre, grâce au plan France très haut débit, la 4G, avec le New Deal mobile, et la 5G, par le biais du plan 5G du Gouvernement et du lancement de la procédure d'attribution des fréquences dans la bande 3,5 gigahertz. Le recours à l'ordonnance est approprié, compte tenu de la nature extrêmement technique du texte et du peu de marge de manoeuvre laissé aux États membres. L'article prévoit également d'instaurer un pouvoir de sanction permettant la mise en oeuvre du règlement du 18 avril 2018 relatif au service de livraison transfrontalière de colis, des mesures visant à renforcer les pouvoirs de contrôle et d'enquête du ministre chargé des communications électroniques et de l'ARCEP et à clarifier d'éventuelles erreurs dans le code des postes et des communications électroniques.

S'agissant des articles dont votre commission s'est saisie pour avis, les articles 16 et 17 doivent permettre à la France de respecter son obligation de transposition des dispositions de l'article 17 de la directive sur le droit d'auteur et les droits voisins, qui clarifient les règles applicables aux services de partage de contenu en ligne, du point de vue du droit d'auteur et des droits voisins. Sont couverts par le projet de loi les services qui stockent et donnent accès au public à un nombre important d'oeuvres téléversées par leurs utilisateurs. Ces services doivent conclure des licences avec les titulaires de droits et, en l'absence de telles licences, fournir leurs meilleurs efforts pour éviter la présence d'oeuvres non autorisées sur leur plateforme. Comme prévu par la directive, un niveau de diligence allégé est exigé quant à ces meilleurs efforts pour les services dont la mise à disposition du public au sein de l'Union européenne date de moins de trois ans et dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 10 millions d'euros.

L'article 22 transfère des missions actuellement confiées à la HADOPI à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Il vise également à améliorer les moyens de lutte contre la contrefaçon des oeuvres sur internet et à réorienter cette lutte en direction des sites internet de streaming, de téléchargement direct ou de référencement, qui tirent des profits de la mise en ligne d'oeuvres en violation des droits des créateurs, en renforçant les pouvoirs de l'ARCOM.

Enfin, l'article 59 constitue la plus importante réforme de l'audiovisuel public depuis trente ans. Dès 2021, l'audiovisuel public, à l'exception d'ARTE et de TV5 Monde sera regroupé au sein du groupe public France Médias. Comme le ministre de la culture l'a dit à plusieurs reprises ces derniers mois, la création de France Médias donne les moyens à l'audiovisuel public de s'adapter à la révolution des usages et de toucher davantage nos compatriotes.

Ainsi, ce projet de loi vise à repenser et à moderniser résolument les outils à notre disposition pour faire face aux défis auxquels le secteur audiovisuel est confronté à l'ère numérique, mais aussi à mettre en cohérence le cadre juridique avec divers textes européens applicables en France. Je sais que vous en attendez davantage sur certains sujets, comme la responsabilisation des annonceurs en matière de lutte contre le piratage. Nous avons entendu vos préoccupations et allons poursuivre le travail ensemble pour proposer des réponses à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.