Intervention de Serge Letchimy

Réunion du mardi 25 février 2020 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Permettez-moi de prendre l'outre-mer comme terrain d'analyse de votre réforme. Sous couvert de mutations numériques, de besoins d'une nouvelle gouvernance de l'audiovisuel, de lutte contre de nouvelles concurrences, de transpositions de directives européennes, vous reconstruisez un service public de l'audiovisuel, en remettant en cause ce qui existe. Vous vous servez de l'idée de la loi de 1986, la liberté de communication, pour aller vers une extinction de ce que l'on peut appeler la diversité culturelle dans la République. À mon sens, l'organisation relative aux pays outre-mer devrait être sensiblement différente de l'organisation nationale. Vous supprimez France Ô, ainsi que ses déclinaisons en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Polynésie, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, en recentrant la production et la pensée audiovisuelles, partant, la culture, au niveau national et en confiant à des plateformes numériques le soin de valoriser notre propre culture ultramarine. C'est une erreur. La survie culturelle de ces territoires nécessite une adéquation entre la communication, l'information, la production de terrain et leur identité, leur culture, leur géographie et, plus encore, leur positionnement dans le monde. C'est en croisant les cultures que l'on peut tirer le maximum de richesses, et non pas en les intégrant à un système assimilationniste. Comment ferez-vous apparaître l'existence de ces territoires sur des chaînes qui auront été recentrées sur le point de vue national ?

La deuxième chose que vous avez complètement ignorée dans le texte, ce sont les très petites télévisions de proximité. Ce sont de petites chaînes privées, des chaînes populaires, qui tirent leur essence, leur existence et leurs moyens d'un travail incroyable visant à démontrer que ces territoires éloignés ne se résument pas aux grèves, aux assassinats ou à la délinquance, soit autant de biais de stigmatisation, mais qu'il existe aussi, chez eux, diverses formes de beauté à privilégier, tant dans leur paysage que dans leur culture. Ces petites chaînes représentent de 18 à 40 % des parts d'audience, à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe. C'est un million de personnes qui les regardent fréquemment, sur les 2,3 millions d'habitants. Ce sont cinq cents salariés et sept cents intermittents. Que leur proposez-vous ? Comment allez-vous organiser le marché publicitaire pour éviter qu'elles ne soient en concurrence directe avec les chaînes dites nationales, qui bénéficieront, elles, d'une subvention de l'État ? Comment pouvez-vous assurer le marché des achats de contenus sur le plan national et sur le plan local ? Comment comptez-vous renforcer la production locale de ces petites chaînes mais aussi des chaînes publiques locales ?

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