Intervention de François Ruffin

Réunion du mardi 25 février 2020 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Monsieur le secrétaire d'État, vous faites une loi sur les médias, soit, au sens étymologique, sur les « moyens ». Mais à quelle fin ? Dans le texte, le mot « écologie » apparaît zéro fois, tout comme le mot « démocratie », mais le mot « finances » apparaît neuf fois, « concurrence » vingt fois et « consommation » cinq. Le texte ne va pas passer par la commission du développement durable, et je le regrette. Je pense, en effet, que tout projet devrait être examiné par le ministère de l'écologie et, chez nous, par la commission du développement durable, dans la mesure où il existe toujours un enjeu écologique ou, en l'occurrence, anti-écologique. Vous ajoutez une troisième coupure publicitaire à l'intérieur des films. Vous proposez que, pendant les rencontres sportives, l'écran soit partagé entre la publicité d'un côté et le match ou le Tour de France de l'autre. Vous offrez la possibilité de placer des produits dans des séries. En somme, vous ouvrez un nouveau champ aux marques, pour qu'elles décident de ce qui doit exister ou non dans notre société, qu'elles dessinent ce qu'est la réussite, le progrès ou le bonheur : des voitures, des parfums ou des bijoux.

Aussi la véritable question est-elle moins : au service de quoi faites-vous la réforme, mais au service de qui ? Clairement, de Bolloré avec Canal + et C8, de Bouygues avec TF1 et LCI et de Drahi avec BFM ! Les justifications de vos mesures se font en permanence sur le terrain de la compétitivité, de la concurrence, du pouvoir d'attraction auprès des marques et en faveur de ces chaînes de télévision. Il s'agit évidemment d'un cadeau discret offert à ces magnats des médias, qui ont ouvertement fait campagne pour M. Emmanuel Macron, un retour d'ascenseur. Dans une proposition de loi, j'avais avancé que l'on croisait 5 000 marques par jour. Un spécialiste m'avait corrigé : on en croiserait 10 000 ! Les 2 000 publicités quotidiennes ne sont-elles pas suffisantes à vos yeux ? Considérez-vous qu'il n'y a pas suffisamment de temps de cerveau disponible offert par TF1 à Coca-Cola ? Faut-il resserrer encore les barreaux de la cage de fer du consumérisme ou, au contraire, les desserrer, pour aider les cerveaux et les esprits à s'en échapper, afin de connaître notre passé, de nous informer sur notre présent, de bâtir notre avenir et de mettre les médias au service d'autres valeurs que l'argent ?

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