Intervention de Florent Sebban

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 10h00
Commission des affaires économiques

Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP :

Bonjour à tous, je suis paysan en AMAP dans le sud de l'Essonne dans un village qui s'appelle Pussay. Nous sommes trois sur la ferme. Toute la production est distribuée via des AMAP. Les AMAP sont regroupées régionalement dans la plupart des régions. Une AMAP, c'est un partenariat entre un groupe de familles et plusieurs fermes. Un partenariat direct et réciproque au sein duquel chacun s'engage : les familles en se nourrissant différemment et les fermes en décidant de produire autrement. On parle beaucoup d'agribashing aujourd'hui. Nous, ce que nous vivons au travers de ces partenariats directs, c'est de l'amour. Nous nous payons, de manière fixe, 1 700 € chacun. Nous voyons des femmes, des enfants, des hommes se nourrir de notre production : leur sourire fait partie du salaire. Quand on parle de partage de la valeur, comme vous le faisiez tout à l'heure, on se situe dans un système très éloigné du nôtre : chez nous, entre le producteur et le consommateur, il n'y a aucun intermédiaire, 100 % de la valeur va au producteur. Il s'agit donc d'un système très sécurisant, pour les paysans et les paysannes : nous savons, dès le 1er janvier, que nous vendrons toute la production, nous avons tous les chèques et donc, nous produisons autrement. Je ne suis pas en permanence pendu au téléphone pour placer tel ou tel produit.

Vous posiez une question, Monsieur le Président, sur le renouvellement des générations. Je témoigne du fait que cette production donne envie à des jeunes – et moins jeunes ! – de découvrir ces métiers. Les réseaux AMAP d'Île-de-France accompagnent deux cents jeunes qui veulent devenir paysans. Il ne s'agit pas seulement d'un désir un peu « fleur bleue », un peu fantasmé : ils perçoivent qu'il existe une alternative concrète. Nous avons des stagiaires qui veulent changer de vie, nous ne manquons pas de personne voulant devenir paysannes et paysans : nous ne manquons pas de gens, mais parfois de terre.

L'un des points forts de ce système réside dans le fait que les consommateurs sont des amis. Ils ont accès à des produits à prix fixe. La sécheresse, les risques climatiques, cela ne touche ni nous, ni eux. Ils acceptent les aléas qui font partie des contrats : peut-être auront-ils un peu moins de choux et plus de carottes, cela fait partie de la démarche. Les AMAP développement un lien entre eux et nous mais aussi entre eux : dans un village de 2 000 habitants comme le nôtre, certaines familles se connaissent grâce à nous, font des fêtes, des « apéros » ensemble. Pour un village ou une ville, c'est très créateur de liens.

La priorité, pour poursuivre ce développement vertueux, c'est de libérer des terres. Ce sont des choses que les communes peuvent encore faire. Les consommateurs, que j'appelle des amis, expriment une aspiration à transformer l'agriculture : pas une aspiration brutale de type « je veux que l'agriculture change » mais une aspiration constructive, qui pourrait être ainsi formulée : « je vais le faire avec eux ». Le fait que les gens souhaitent jouer ce rôle devrait être structuré, au sein d'une association. Sur les questions liées au foncier, on a le sentiment que les décisions sont prises de manière trop opaque. Il faut que les comités des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) s'ouvrent et respirent pour donner des rôles aux citoyens et citoyennes. Il faut davantage partager la décision.

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