Intervention de Sylvain Maillard

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Maillard, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, je vous remercie de m'accueillir dans votre Commission pour présenter cette proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art. Ce texte, très attendu des professionnels, est le fruit de plusieurs rapports dont celui de Mme Henriette Chaubon et M. Édouard de Lamaze, remis à la garde des Sceaux en décembre 2018.

Je suis particulièrement heureux de voir aboutir ce texte de notre collègue sénatrice Catherine Morin-Desailly sur un sujet qui me tient à coeur et sur lequel je me suis investi dès le début de mon mandat. J'ai en effet déposé, au mois d'octobre dernier, avec mon collègue Jean-Michel Mis et l'ensemble des membres du groupe La République en Marche (LaREM), une proposition de loi allant dans le même sens. Je souhaite que nous puissions travailler en bonne intelligence avec le Sénat dans le but de soutenir le marché de l'art français.

Depuis plusieurs années, la profession d'opérateur de ventes volontaires doit faire face à de nombreux défis du fait d'une pression concurrentielle toujours plus grande, multiforme, tant sur le territoire national qu'au-delà des frontières. La France possède pourtant une riche culture pluriséculaire qui est probablement l'une des plus belles du monde. Elle est un haut lieu de l'art depuis la Renaissance, et Paris a longtemps tenu la première place du marché de l'art mondial. Mais depuis les années soixante, le marché de l'art français est sur le déclin. Avec 6 % de part de marché à l'échelle mondiale, la France se situe à la quatrième position, loin derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et maintenant la Chine. Les commissaires-priseurs font face à de réelles difficultés et attendent de leur autorité de régulation, le Conseil des ventes volontaires, et du législateur que nous sommes des actes forts pour leur permettre de rivaliser avec leurs concurrents, qu'ils soient internationaux ou sur internet.

Ce texte permettra de relever plusieurs défis : une meilleure attractivité et compétitivité des maisons de ventes, une sécurisation et une pérennisation des ventes volontaires ainsi qu'un renforcement de l'accompagnement des professionnels et de la protection des consommateurs.

Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ont fait l'objet d'un aménagement d'ampleur par la loi du 10 juillet 2000. Depuis cette date, les officiers publics et ministériels c'est-à-dire les notaires, ainsi que les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice qui seront bientôt regroupés dans la profession de commissaires de justice, ont conservé la possibilité d'effectuer ces ventes. Elles peuvent également être réalisées par les opérateurs de ventes volontaires qui ont perdu leur statut d'officier public et ministériel. Il s'agit soit de personnes physiques au nombre de 632 dans notre pays et qui ne sont qualifiées de commissaires-priseurs de ventes volontaires que lorsqu'elles procèdent à ces ventes, soit de personnes morales, au nombre de 410, initialement qualifiées de sociétés de ventes volontaires.

Les professionnels des ventes volontaires, qui ont fait face à des évolutions législatives récentes et importantes, sont donc nombreux et doivent pouvoir être appréhendés dans leur diversité.

Je vous le dis en toute transparence : l'ambition portée par cette proposition de loi et à laquelle je suis particulièrement vigilant n'est pas de bouleverser les équilibres ni de déstabiliser certains acteurs au profit d'autres ; le postulat de ce texte est celui de redynamiser l'ensemble du secteur des ventes volontaires en France.

Deux voies se sont ainsi dessinées pour maintenir l'excellence française dans ce domaine, tout en permettant à ces acteurs de relever le défi de la reconquête française du marché de l'art : la réforme de l'autorité de régulation des ventes volontaires et l'élargissement du champ d'activité des opérateurs de ces ventes. Ces deux perspectives doivent permettre de parachever la modernisation des ventes volontaires en France.

L'article 1er, qui institue le Conseil des maisons de vente en lieu et place du Conseil des ventes volontaires, était initialement l'article unique de ce texte. Il en constitue toujours l'assise. Ce Conseil, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, créé par la loi du 10 juillet 2000, a été consacré autorité de régulation du secteur par la loi du 20 juillet 2011. Composé de onze membres, il veille au respect de la réglementation relative aux enchères publiques. Il est doté d'un pouvoir disciplinaire sur les opérateurs de ventes volontaires.

Ce texte vise à réformer la composition, le fonctionnement et les missions du Conseil afin de renforcer sa légitimité et lui permettre de répondre aux attentes exprimées par les acteurs du secteur. Le futur Conseil des maisons de vente sera ainsi composé majoritairement de professionnels, élus par leurs pairs, ce qui constitue une demande insistante des professionnels.

Le Sénat a souhaité faire évoluer les conditions de désignation du président du Conseil afin que ce dernier soit nommé par la garde des Sceaux sur proposition du Conseil parmi l'ensemble de ses membres. Il est donc probable que la présidence soit à l'avenir assurée non plus par une personnalité qualifiée mais par un professionnel du secteur. Cette évolution est de nature à remettre en cause l'équilibre recherché par la présente proposition de loi entre le renforcement de la présence des professionnels au sein du Conseil et la préservation de sa fonction de régulation.

Je suis conscient que cette question constitue un point de divergence avec le Sénat et avec le Syndicat national des maisons de ventes volontaires (SYMEV). J'estime néanmoins qu'il est indispensable de prémunir le Conseil de tout élément qui pourrait remettre en cause à terme son intégrité comme autorité de régulation.

En matière disciplinaire, le Sénat a souhaité que le Conseil soit composé, en plus d'un collège, d'une commission des sanctions et d'une commission d'instruction distinctes, y compris dans leur composition, chargées spécifiquement de la procédure disciplinaire.

J'observe néanmoins que cette architecture relève d'une machinerie complexe pour un contentieux qui demeure particulièrement modeste. Seules trois décisions disciplinaires et deux sanctions ont été prononcées par le Conseil en 2018. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement qui, sans remettre en cause l'étape préalable de médiation indispensable effectuée par le Conseil, transférera cette compétence à l'autorité judiciaire.

Les autres articles de la proposition de loi proposent diverses mesures attendues devant permettre de poursuivre la modernisation du secteur des ventes volontaires et de renforcer son attractivité.

Face au malaise provoqué par la loi du 20 juillet 2011 qui a introduit la qualification d'opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et requalifié les commissaires-priseurs de commissaires-priseurs de ventes volontaires uniquement lorsqu'ils réalisent ces ventes, les articles 1er A et 2 ont pour objet d'adapter la terminologie désignant les professionnels des ventes volontaires et de rétablir le titre historique auquel nous sommes tous attachés de commissaire-priseur. Je vous proposerai des amendements visant à parachever cette évolution en réintroduisant le nom de « maisons de vente » pour les personnes morales qui organisent des ventes volontaires en permettant aux commissaires-priseurs de porter leur titre en dehors des salles de ventes.

Je tiens également à favoriser la formation professionnelle tout au long de l'activité du commissaire-priseur. C'est un sujet particulièrement important qui s'inscrit dans l'ensemble des textes portés par notre majorité depuis 2017.

Les articles 1er bis, 3 et 4 permettent d'élargir les activités des professionnels des ventes volontaires afin de redynamiser leur activité. L'article 1er bis leur permettra de réaliser les inventaires fiscaux au même titre que les notaires ou les futurs commissaires de justice. L'article 3 propose d'étendre le régime des ventes volontaires aux meubles incorporels tels que les fonds de commerce. L'article 4 étend la possibilité pour les opérateurs de ventes volontaires de réaliser des ventes surveillées au même titre que les officiers publics et ministériels. Je vous proposerai cependant de recentrer cet article sur les ventes sous tutelle.

L'article 5 vise à préciser les conditions d'exercice des ventes volontaires par les notaires qui devront, comme les commissaires de justice, constituer une société commerciale distincte de leur office. Les articles 6 à 8 portent diverses mesures de simplification que je crois bienvenues.

L'article 6 permet de poursuivre le développement des ventes de gré à gré en allégeant leur formalisme. L'article 7 autorise le regroupement du registre d'objets mobiliers et du répertoire des procès-verbaux. L'article 8 clarifie le régime de résolution de la vente après réitération d'enchères.

Enfin, l'article 9 transpose en droit interne l'accès partiel des ressortissants des États membres de l'Union européenne aux activités des ventes volontaires.

Pour conclure, je veux vous redire ma fierté de porter un texte très attendu par les acteurs du secteur des ventes volontaires. Je souhaite que le texte qu'adoptera notre Commission puisse concilier la proposition qui nous est transmise par le Sénat avec les dispositions inscrites dans le texte déposé sur le bureau de notre assemblée. J'y vois pour le Parlement l'occasion de construire une loi utile aux commissaires-priseurs, aux maisons de ventes ainsi qu'aux acheteurs et vendeurs qui font vivre ce marché de l'art si singulier. Redonner un nouveau souffle aux maisons de ventes volontaires et à la profession de commissaire-priseur en leur assurant longue vie, tel est l'objectif de cette proposition de loi.

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