Intervention de Michel Larive

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

La proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art intervient dans un contexte de libéralisation économique outrancière du secteur. La primauté du droit européen a permis de détricoter progressivement le régime singulier du marché de l'art dans notre pays. La financiarisation du secteur tend à uniformiser l'art et nuit gravement à la diversité artistique. Les capacités d'innovation des créateurs et des créatrices, ainsi que leurs possibilités d'expérimentation, sont donc mises à mal par l'insécurité permanente dans laquelle plonge l'hyper-marchandisation de l'art.

Depuis au moins trois décennies, nos gouvernements ont souffert d'un manque de perspectives en matière de politique culturelle. Pour pouvoir exister sur un marché de l'art, il eût fallu en premier lieu soutenir la création artistique, quel que soit son domaine d'expression. Tel ne fut pas le cas. Les interventions au coup par coup pour ne soutenir que certains artistes déjà fléchés, la préséance donnée depuis les années 1980 aux arts conceptuels au détriment de l'art pictural ou encore les investissements importants réalisés par les fonds nationaux et régionaux d'art contemporain et les musées au profit d'artistes étrangers, aussi talentueux soient-ils, sont autant de mesures qui ont contribué à la confidentialité de l'expression artistique française. Cette regrettable situation n'évoluera pas si nous n'accompagnons pas convenablement les artistes sans lesquels il ne saurait y avoir de création artistique.

Nous déplorons depuis des années la distance de l'État en la matière. Nous contestons l'idée que la solution au désengagement des pouvoirs publics dans l'action culturelle soit l'accaparement du secteur par de grands mécènes privés. J'ai déposé l'année dernière une proposition de loi visant à l'institution d'un fonds de soutien à la création artistique valant création d'un véritable statut social pour les artistes auteurs. Cette proposition est une contribution à ce qu'il conviendrait de construire en la matière, mais vous l'avez rejetée.

Il y aurait bien d'autres mesures à prendre en direction de la création artistique et de ses auteurs. Nous pourrions mettre en oeuvre une véritable politique de diffusion des oeuvres françaises à l'international, en nous appuyant par exemple sur le réseau des instituts français dont le budget devrait être revu à la hausse. Nous pourrions surtout mettre fin à la niche fiscale sur le mécénat, dont le coût pour les finances publiques avoisine les 900 millions d'euros chaque année, une gabegie financière supportée par l'ensemble des contribuables pour satisfaire les goûts artistiques des plus riches. L'abaissement de 60 à 40 % du taux de réduction d'impôts pour les versements supérieurs à 2 millions d'euros ne constitue qu'une mesurette de plus à nos yeux. Nous soutenons une nouvelle fois que les recettes fiscales que générerait la suppression de cette niche pourraient servir à financer une politique volontariste afin de redynamiser la création artistique et d'améliorer la visibilité des oeuvres françaises dans le monde.

À l'aune de ces réflexions que je viens d'exposer, nous ne pouvons adhérer à la proposition de loi présentée aujourd'hui.

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