Intervention de Isabelle Florennes

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Florennes :

Les dix-sept personnes décédées suite à une intervention policière sont, bien sûr, dix-sept décès de trop. Cette proposition de loi soulève une importante question : comment permettre aux forces de l'ordre d'exercer au mieux l'ensemble de leurs missions, tout en garantissant aux citoyens le respect le plus strict de leurs droits fondamentaux ? Cette problématique est ancienne, et nous disposons actuellement d'un cadre juridique et technique clair.

Les techniques d'immobilisation visées ici, pliage ventral et décubitus ventral, interviennent en dernier ressort. Avant d'y recourir, les forces de l'ordre en utilisent d'autres, physiques ou non, leur permettant d'intervenir sans exposer ni les personnes ni eux-mêmes. Il existe donc une gradation des réponses, et la négociation ou la dissuasion permettent de désamorcer les situations. La majorité des interpellations se déroulent sans employer la force, mais celle-ci est parfois nécessaire face à un ou plusieurs individus violents ou ayant une attitude imprévisible, présentant des troubles d'ordre psychologique, éventuellement liés à la consommation d'alcool, de stupéfiants ou de médicaments.

Il est intéressant de rappeler en contrepoint le nombre de policiers ou gendarmes blessés en mission, qui a augmenté de 15 % entre 2017 et 2018. En 2019, plus de 36 000 faits de violences à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ont été enregistrés.

Le recours aux techniques d'immobilisation est strictement encadré par un corpus de textes qui ne laisse pas de place à l'interprétation, dans le code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales. L'instruction du directeur général de la police nationale du 4 novembre 2015, formalisant une note de l'IGPN de 2008, complète ce cadre et apporte plusieurs précisions quant au recours à ces techniques : la compression doit être la plus courte possible ; les conditions de transport sont détaillées et les forces de l'ordre sont obligées de prévenir immédiatement le SAMU ou les pompiers en cas de recours à la coercition. J'observe que l'utilisation de ces techniques d'immobilisation permet d'en éviter d'autres, nettement plus dangereuses, notamment le pistolet à impulsions électriques.

Restent les dix-sept décès, survenus sur une période de vingt-deux ans. Malheureusement, ceux-ci résultent de la mauvaise exécution de ces techniques d'immobilisation normalement efficaces et peu traumatiques. Ce ne sont donc pas les techniques en elles-mêmes qui doivent être remises en cause, mais plutôt la formation, en particulier continue, qui doit être renforcée. Je rejoins le rapporteur sur ce point, cette problématique soulevée par la direction générale de la police nationale elle-même est récurrente et doit faire l'objet d'une réflexion plus poussée.

M. Ruffin souligne pertinemment dans son rapport que les techniques d'intervention devraient faire l'objet du même effort substantiel qui été fourni en matière d'entraînement au tir. Le groupe MODEM partage cet avis et souhaite qu'il soit procédé à un suivi rigoureux de l'évolution du budget alloué à la formation continue. Cette piste de réflexion nous paraît bien plus porteuse que l'interdiction, qui ne résout pas le problème, complique le travail de nos forces de l'ordre et ne garantit en rien les droits des personnes interpellées. Cela ne dispense pas de s'interroger sur les fautes commises par les forces de l'ordre : lorsqu'elles sont confirmées par les enquêtes, elles sont inadmissibles et nous les condamnons fermement.

Le groupe MODEM est opposé à cette proposition de loi.

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