Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Ce texte soulève un problème sérieux, qu'il ne faut pas nier ni minimiser. L'actualité récente a montré que certaines techniques d'immobilisation employées par les forces de l'ordre peuvent entraîner la mort de personnes. On ne peut s'en satisfaire dans une démocratie.

La France est souvent pointée du doigt. La CEDH, dans l'arrêt Saoud de 2007, a déploré le fait « qu'aucune directive précise n'ait été prise par les autorités françaises à l'égard de ce type de technique d'immobilisation ». Elle a condamné la France à plusieurs reprises pour des décès survenus lors d'interpellations policières : le 16 novembre 2017, elle a considéré que les « gestes violents, répétés et inefficaces, pratiqués sur une personne vulnérable, sont constitutifs d'une atteinte à la dignité humaine et atteignent un seuil de gravité les rendant incompatibles avec l'article 3 de la Convention » ; le 21 juin 2018, elle a jugé qu'une victime avait été traitée avec négligence par les autorités, en violation de l'article 2 de la Convention. D'autres procédures sont en cours, notamment celle concernant l'affaire Lamine Dieng, décédé le 10 juin 2007 dans un fourgon de police.

Certains pays, comme la Suisse ou la Belgique, ont interdit les techniques d'immobilisation létale. S'il est justifié de réfléchir à cette interdiction, il convient de garder à l'esprit que l'utilisation de ces techniques peut être pertinente, notamment lorsque la personne présente un risque de blessure ou de mort, à l'encontre d'autrui ou d'elle-même, comme dans le cas de l'affaire Mohamed Saoud. Dans son arrêt, la CEDH n'a pas demandé le retrait de ces techniques d'immobilisation mais a souligné que c'est le maintien au sol durant trente-cinq minutes qui a été identifié par les experts médicaux comme la cause directe de son décès par asphyxie lente.

C'est surtout l'absence de directives qui pose problème : elles pourraient indiquer le comportement à tenir une fois la technique utilisée et obliger à la vigilance concernant l'état de santé de la personne maintenue au sol.

Avant d'interdire ces techniques de contrainte, il faut envisager un renforcement de la formation obligatoire des forces de l'ordre à ces dispositifs d'interpellation et la communication, au sein du ministère de l'Intérieur, de directives claires et précises. Compte tenu de leur dangerosité, l'utilisation de ces techniques ne doit pas être la règle, mais l'exception ; elle doit être strictement cantonnée aux individus dangereux.

Enfin, il serait opportun de mener une enquête indépendante et impartiale sur le nombre de décès liés à l'utilisation de ces techniques létales d'immobilisation. Comme a pu le souligner Amnesty International, il n'existe aucune statistique fiable sur ce sujet. Le groupe Libertés et territoires salue le fait que le débat ait été ouvert à l'initiative du groupe La France insoumise, mais il s'abstient, à ce stade, sur ce texte.

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