Amiante, sang contaminé, Mediator, LuxLeaks, Cambridge Analytica, tous ces scandales sanitaires ou financiers n'auraient jamais éclaté au grand jour sans le courage des lanceuses et lanceurs d'alerte. Pourtant, ces derniers ne bénéficient pas encore d'une protection juridique effective et efficace. Je salue l'initiative de mon collègue Ugo Bernalicis : les deux propositions de loi saisissent l'opportunité offerte par la directive européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union du 23 octobre 2019, dont la transposition en droit interne doit intervenir avant décembre 2021.
La France ne part pas de zéro : il s'agit de prolonger le droit issu de la loi Sapin 2, qui a permis l'émergence d'une prise de conscience du rôle que chacun peut jouer dans le développement d'un signalement et dans la moralisation de la vie publique. Cependant, il ne faut pas que le Gouvernement se repose sur les lauriers français. Ces deux propositions de texte ont pour objectif de forcer les autorités françaises à se mettre dès à présent au travail et à présenter un calendrier précis.
Légiférer sur la question des lanceuses et lanceurs d'alerte répond à un impératif sociétal majeur, qui prolonge la réflexion sur notre démocratie et sur ses institutions. Des personnalités devenues malgré elles médiatiques, comme Irène Frachon, Céline Boussié, Edward Snowden, Julian Assange ou encore Antoine Deltour, ont agi dans l'intérêt et au nom de l'éthique, mais ont subi des représailles visant à les faire taire, les plaçant dans des situations de précarité et de vulnérabilité terribles. Combien de personnes agissent ainsi, actuellement, au nom de l'intérêt général et subissent des représailles sans que notre société leur garantisse une protection effective ? Je pense à Karim Ben Ali, cet ouvrier lanceur d'alerte, qui dénonce le déversement illégal d'acide à Florange par le géant de l'acier ArcelorMittal, mais aussi à Denis Breteau, cet ingénieur de la SNCF qui dénonce des appels d'offres truqués par sa direction en faveur du géant américain IBM. Aucune statistique ne permet, à l'heure actuelle, de rendre compte de la réalité de l'alerte en France. Dans son rapport d'activité, le Défenseur des droits a indiqué avoir enregistré 155 dossiers en deux ans. Il observe que 85 % des personnes qui le saisissent en se prévalant du statut de lanceur d'alerte sont dans une relation de travail. Les alertes concernent autant le secteur privé que le secteur public, dans des domaines très variés.
Si la France peut s'enorgueillir d'avoir été l'initiatrice de ce sujet au niveau européen, l'auteur d'un signalement demeure encore fragile dans notre pays. Sortir le lanceur d'alerte de son isolement est essentiel. L'adoption des deux textes proposés par M. Ugo Bernalicis permettrait de clarifier le droit français, notamment en autonomisant les processus d'alerte. Le choix de maintenir et de renforcer le rôle du Défenseur des droits dans la protection des lanceuses et lanceurs d'alerte est essentiel. Grâce à la proposition de loi organique, les limites budgétaires au renforcement de son rôle sont contournées. Effectivement, ce texte prévoit que l'inspection générale de la protection des lanceuses et lanceurs d'alerte recevra le signalement et fournira un retour d'information dans le cadre de la procédure de signalement externe. Elle pourra donc conduire des missions d'inspection et d'audit des entités publiques et privées, et assurera une fonction permanente de conseil et d'expertise auprès du Défenseur de droits et de ses services, ainsi qu'auprès d'entités publiques et privées.
Ces deux propositions de loi apportent donc des réponses intéressantes et efficaces à la problématique de l'alerte en France. C'est la raison pour laquelle le groupe de La France insoumise votera en leur faveur.