Monsieur le Premier ministre, jamais aucun de vos prédécesseurs n'avait affronté une épreuve comparable à la crise sanitaire, cause de tant de morts, qui frappe la France et le monde. Jamais notre pays n'avait subi un arrêt aussi brutal de son activité, avec des conséquences économiques imprévisibles. Jamais nos concitoyens n'avaient été aussi directement responsables de leur propre vie, par le moyen de gestes simples, qu'ils sont néanmoins encore trop nombreux à refuser d'accomplir. Ce caractère triplement inédit de la situation montre la complexité de votre tâche, et aussi la difficulté de la nôtre dans l'exercice de notre devoir constitutionnel de contrôle de l'action gouvernementale.
Aujourd'hui, l'action publique est sous le feu de nombreuses interpellations, qui sont autant d'exutoires à l'anxiété qui habite chacune et chacun d'entre nous. Premièrement, nous sommes-nous préparés assez tôt pour nous défendre contre le coronavirus ? Deuxièmement, notre organisation administrative et politique est-elle adaptée pour gérer des drames de cette ampleur ? Troisièmement, notre système de santé publique est-il à la hauteur du dévouement des personnels soignants qui le font fonctionner ? Quatrièmement, la confiance – nécessaire – entre les décideurs politiques et les représentants du monde médical ne pâtit-elle pas d'une construction trop récente ?
Depuis le début de cette crise, nous sommes tous sensibles à la promesse de transparence que vous nous avez faite et que vous n'avez jamais trahie. Si cette transparence rend vain tout esprit polémique, ce dont il faut se réjouir, elle doit vous engager à nous dire, monsieur le Premier ministre, si notre pays a réellement mis toutes les chances de son côté pour gagner ce que le Président de la République a appelé la « guerre ».