Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 19 mars 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Depuis lundi, les entreprises peuvent interrompre le versement de leurs prélèvements fiscaux et sociaux prévus au mois de mars. La direction générale des finances publiques a donné son accord à 92 % des entreprises qui ont demandé à bénéficier de la mesure. À l'heure où je vous parle, le montant du report des charges de cotisations sociales s'élève à 3 milliards, pour tous ceux qui étaient appelés à payer leurs échéances entre le 15 mars et le 19 mars, y compris s'ils en avaient déjà versé une partie. Pour tous les indépendants, je le rappelle, l'échéance du 20 mars sera reportée, sans qu'ils aient de démarche particulière à accomplir.

Ces mesures de report de trésorerie, qui sont sans précédent, représentent une aide directe et immédiate aux entreprises de plus de 35 milliards– 13 milliards au titre des impôts directs et 22 milliards au titre des contributions sociales.

Par ce projet de loi de finances rectificatives, le Gouvernement poursuit sa mobilisation, à travers deux mesures principales. La première, qui fait l'objet de l'article 4, est une garantie exceptionnelle accordée par l'État, à hauteur de 300 milliards, pour soutenir le financement des entreprises. En adoptant le présent texte, vous permettrez à l'État de garantir le financement de l'économie : aucun prêt ne sera refusé pour des raisons économiques ou de solvabilité des banques.

L'État se révèle ainsi une nouvelle fois indispensable ; il est présent là où il doit l'être et au moment où la France a besoin de lui. Néanmoins, je le dis devant les représentants de la nation à la suite du ministre de l'économie et des finances, il va de soi que les acteurs privés, notamment les assurances et, surtout, les banques, doivent l'être aussi : nous les appelons à financer la trésorerie des entreprises. Il convient de rappeler que l'État ne peut pas tout – cette idée très importante est partagée, j'en suis sûr, sur l'ensemble des bancs de l'hémicycle.

Ce dispositif temporaire couvrira exclusivement les prêts accordés entre le 1er mars et le 31 décembre 2020 en vue de répondre à la crise du coronavirus. Il permettra aux banques d'aider les entreprises, quelle que soit leur taille, sur l'ensemble du territoire national, y compris, bien évidemment, dans les collectivités ultramarines.

Conformément aux règles européennes en matière d'aides d'État, un partage du risque sera assuré avec les banques : cette garantie leur sera facturée, ainsi que le prévoit l'article 4.

Le présent projet de loi prévoit, deuxièmement, des moyens budgétaires supplémentaires destinés à financer des dispositifs exceptionnels, en premier lieu la prise en charge intégrale de l'activité partielle.

Nous avons tiré les leçons de la crise des années 2008 et 2009. S'inspirant du modèle allemand, la France permettra aux entreprises qui recourront au chômage partiel d'être remboursées à 100 % pour leurs salariés rémunérés jusqu'à 4,5 SMIC. Le salarié continuera à percevoir, comme c'est le cas actuellement, 70 % de son salaire brut, soit 84 % de son salaire net, cette proportion atteignant 100 % s'il est rémunéré au SMIC. Le dispositif sera étendu aux assistantes maternelles et aux employés à domicile, qui n'avaient pourtant pas vocation à en bénéficier.

Cette prise en charge du chômage partielle représentera une dépense de 8 milliards par mois, financés pour un tiers par l'Unédic et pour deux tiers par l'État. Nous avons choisi cette répartition, car l'État bénéficie, vous le savez, des conditions de financement les plus intéressantes.

De surcroît, pour répondre aux inquiétudes des petits entrepreneurs, artisans et commerçants qui subiraient une baisse de leur chiffre d'affaires en raison des restrictions de circulation, le Gouvernement entend créer – M. le ministre de l'économie et des finances l'a évoqué – un fonds de solidarité doté de 1 milliard, dont 750 millions de crédits budgétaires ouverts par ce projet de loi de finances rectificative et 250 millions à la charge des régions. Dans ce cadre, la direction générale des finances publiques sera chargée de verser directement aux entrepreneurs concernés, de manière automatique et sans critère, en fin de mois – je le précise, car de nombreuses questions portent sur ce point – , une aide de 1 500 euros.

Cette aide d'urgence, simple et unitaire, constituera un filet de sécurité pour les petites entreprises, indépendants et autoentrepreneurs mis en difficulté par la crise sanitaire. Bien évidemment, elle sera complémentaire au report de charges ou d'impôts dont ils pourraient bénéficier. Il s'agit d'éviter des faillites.

Par ailleurs, une provision supplémentaire de 2 milliards de dépenses de santé est également prévue dans ce projet de loi de finances rectificative pour couvrir les achats de matériels pour les professionnels de santé, notamment de masques. Pour couvrir les indemnités journalières et marquer notre reconnaissance de l'engagement des personnels hospitaliers, nous avons prévu une provision qui permettra de financer chaque heure supplémentaire assurée au sein de l'hôpital. Nous discuterons dans les prochains jours, avec le ministre des solidarités et de la santé, de la revalorisation souhaitée pour le personnel hospitalier, ce qui est bien normal au regard des conditions si difficiles dans lesquelles il travaille.

Ces efforts de relance sont cohérents avec les initiatives de la zone euro puisque, nous l'avons dit, notre croissance devrait être négative. C'est en fonction des règles et des prévisions de l'Union européenne que nous avons calibré ce budget.

La prévision de croissance serait donc négative, à moins 1 %, contre 1,3 % dans la loi de finances que vous avez adoptée il y a quelques semaines. Elle devrait priver l'État, dans un premier temps, de plus de 10 milliards de recettes alors que les dépenses supplémentaires s'élèveraient à 6 milliards. De même, les mesures de soutien à l'activité des entreprises représentent 6,25 milliards.

En conséquence, le solde budgétaire de l'État, amené à supporter l'essentiel de l'endettement puisque c'est lui qui pourra emprunter au meilleur taux sur les marchés financiers, sera révisé à la baisse d'environ 15 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Nous avons également tiré les conséquences du renoncement à céder des participations de l'État, soit l'équivalent de 2,7 milliards en moins en loi de finances initiale. Je pense notamment à Aéroports de Paris, à propos duquel le ministre de l'économie s'est exprimé il y a quelques jours dans les médias.

Ces prévisions, par nature, sont instables. Nous reviendrons devant les commissions concernées et les chambres à chaque fois que les parlementaires le souhaiteront mais également pour apporter des modifications suite à l'arrivée de nouvelles informations.

Quand la maison brûle, on ne compte pas les litres d'eau pour éteindre l'incendie. La situation est exceptionnelle et je peux assurer, comme l'a fait le ministre de l'économie, suite à certaines demandes liées à notre endettement, que la signature de la France reste stable et que les taux d'intérêt ne nous attaquent pas aujourd'hui. Il est important d'attester du sérieux des finances publiques et de la confiance que les marchés financiers nous accordent.

Ils s'inquiètent d'ailleurs bien davantage de la crise sanitaire ou de la crise boursière que des finances publiques de l'État. Sur ce point, chacun doit pouvoir répondre à la demande de solidarité nationale. Ceux qui en ont les moyens doivent continuer à verser les salaires, les prestations. M. le ministre de l'économie et des finances a été clair. Ceux qui ont engagé des aides à domicile doivent continuer à les payer plutôt que de les mettre au chômage partiel si leur trésorerie est suffisante. Ce serait un signe important pour la nation qui doit demeurer forte pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin.

Nous en appelons à la solidarité nationale car l'État ne peut pas débourser à la place de ceux qui ont une trésorerie suffisante.

Beaucoup nous demandent si le paiement de la TVA sera reporté, voire le versement des recettes de l'impôt sur le revenu, collecté désormais par les entreprises du fait du prélèvement de l'impôt à la source. Le prélèvement de l'impôt à la source permet à beaucoup d'indépendants ou d'autres professionnels dont les salaires chuteront, de moduler dès aujourd'hui leurs versements, voire de les reporter. Nous avons fixé un délai de trois mois qui pourra être allongé si cela est nécessaire.

Il leur est également possible de moduler leur taux de prélèvement à la source immédiatement. Cette mesure permettra à bon nombre de personnes de surmonter les difficultés liées à la crise économique, la perte de salaire du fait du chômage partiel, de la perte de prime ou d'heures supplémentaires.

Dans un second temps, je voudrais être aussi clair que le ministre de l'économie et des finances. Il n'est pas possible de reporter le paiement de la TVA car la TVA va de pair avec le chiffre d'affaire. Une entreprise qui ne fait pas de chiffre d'affaire ne paie pas de TVA. Il n'est donc pas nécessaire d'en reporter le paiement.

Nous avons reporté le paiement des charges que nous pourrions appeler fixes, notamment les charges sociales. Ce report ne concerne pas la TVA, qui entre dans les caisses de l'État et lui permet de financer l'hôpital public, les services publics, tout en garantissant les créanciers de sa capacité à emprunter du fait de l'existence de recettes. C'est important.

Si des entreprises ont des créances de TVA, nous les rembourserons beaucoup plus vite que prévu. Si le consommateur n'a pas acheté formellement son bien en payant la TVA, nous ne compterons pas le paiement de cette TVA mais il devra s'en expliquer auprès du centre des impôts, bien évidemment. En revanche, si cette TVA est payée, il est normal de la reverser à l'État.

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