Nous l'avons tous dit, nous sommes confrontés à une crise inédite et nous nous trouvons de ce fait dans une situation qui l'est tout autant.
Il nous est demandé de nous accorder, en quelques heures, sur les moyens de mettre un pays entier sous perfusion. Le travail est pour le moins acrobatique et je tiens à féliciter le Gouvernement d'avoir su garder quelque équilibre dans ce délicat exercice.
Notre mission n'est ni plus ni moins que de parvenir ensemble à jeter les bases du salut public à très court terme en sauvant des vies mais aussi l'économie.
Face au choc de demande provoqué par la chute de la consommation et au choc d'offre dû aux ruptures d'approvisionnement, le risque est très clair : le recul, pour ne pas dire l'effondrement du chiffre d'affaires de nos entreprises, menace d'entraîner une vague, pour ne pas dire une marée, de faillites. Pour l'éviter, la solution est claire, il nous faut à la fois pousser les banques à continuer à prêter en garantissant l'essentiel des crédits mais aussi alléger la fiscalité de toutes les entreprises en reportant les impôts ou en prenant en charge massivement le chômage partiel.
Mes chers collègues, ne tombons pas dans le piège de perdre du temps à nous demander si cela est trop ou pas assez. Il est impossible aujourd'hui de fixer définitivement dans ce texte le coût de la crise, tout simplement parce que personne à cette heure ne connaît ni son ampleur ni sa durée. « Les prévisions sont difficiles surtout lorsqu'elles concernent l'avenir », disait joliment Pierre Dac.
Avec ce projet de loi de finances rectificative, nous parons donc au plus pressé, en garantissant tous les prêts consentis aux entreprises par des établissements de crédit pour un encours total de 300 milliards ; en rendant cette garantie automatique pour l'essentiel de nos entreprises – je pense, en particulier, aux plus petites d'entre elles – ; en ouvrant au bénéfice des secteurs les plus touchés par la crise – tourisme, hôtellerie, restauration, culture – un fonds de solidarité doté de 1 milliard d'euros, en prenant en charge le chômage partiel des salariés à un niveau dont, M. le ministre l'a rappelé, nous n'avons pas à rougir en Europe. Cela s'ajoute à 35 milliards de mesures de trésorerie, comme l'a indiqué M. Darmanin, sous forme de suspension d'impôts et de cotisations sociales, et qui sait, peut-être même plus tard, d'annulation.
L'urgence est, en effet, de permettre à nos entreprises de constituer non pas un trésor de guerre mais une trésorerie de résistance. En effet, il ne peut être question que de résistance. Nous ignorons encore l'étendue et la durée de la crise économique inédite que nous vivons. Dans les prochains jours, les prochaines semaines, voire même les prochaines heures, nous continuerons à faire remonter au Gouvernement l'ensemble des problèmes qui se posent selon les lieux, les secteurs, les types d'entreprise. Mais prétendre que nous pourrons tous les résoudre en une seule fois serait, vous le savez, parfaitement illusoire.
Les 45 milliards d'euros apportés aujourd'hui sont, je le dis avec force, une première réponse à l'urgence, mais certainement pas la dernière. Au fur et à mesure que la crise se précise, nous préciserons aussi nos efforts.
L'urgence, c'est d'éviter l'asphyxie de notre économie, mais cela ne signifie pas que nous ne devrons pas ensuite panser ses blessures, qui, pour plus spécifiques qu'elles soient, demeureront néanmoins très dangereuses.
Sauver des vies comme sauver l'économie, ce sont des enjeux de très court terme. Mais, d'autres l'ont dit avant moi sur d'autres bancs, cela ne doit pas nous empêcher de penser à plus long terme et de raisonner en termes structurels et non plus seulement conjoncturels.
C'est ainsi que pour donner le maximum d'agilité au Gouvernement et assurer au législateur un contrôle affiné des conséquences financières de la gestion de crise, le choix a été faut de deux créer de nouveaux programmes au sein d'une mission, lesquels deviendront les deux principaux outils de cette gestion.
En effet, ce texte ne devrait pas ouvrir un débat. Personne à ma connaissance ne remet d'ailleurs en cause le bien-fondé des mesures qu'il comporte. Plutôt que d'ouvrir le débat, il faut lancer le combat – celui-ci demandera peut-être plus de deux mois, il coûtera peut-être plus de 45 milliards mais il nous imposera, quoi qu'il en soit, de rester mobilisés.
Le Président de la République l'a dit, nous sommes en guerre. Cette guerre est une guerre de tranchées pour notre système sanitaire et pour la population, aujourd'hui condamnée au confinement, mais cette guerre doit être une guerre de mouvement pour nos entreprises et notre économie, parce que, pour elles, le confinement serait synonyme de mort subite.