Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du jeudi 19 mars 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Le coronavirus constitue une crise sanitaire épouvantable pour la France comme pour de nombreux pays ; son corollaire est une crise économique et peut-être également financière. Pour commencer à endiguer la crise économique, le Gouvernement débloque un plan d'urgence qui trouve sa traduction dans ce projet de loi de finances rectificative. Pour résumer, ce plan contient trois types de mesures : une garantie de l'État pour les prêts aux entreprises ; un décalage de trésorerie pour le paiement des cotisations sociales, sur deux mois ; des aides à hauteur de 6,5 milliards – 5,5 milliards pour financer le chômage partiel et 1 milliard pour le fonds de soutien aux entreprises, 750 millions étant financés par l'État. En parallèle, votre projet de loi de finances rectificative propose une projection des baisses de recettes fiscales et sociales, et intègre également les moindres recettes de privatisation – conséquence sans doute de votre renoncement bienvenu à privatiser Aéroports de Paris.

Cela a été dit par plusieurs orateurs avant moi : nul ne peut prédire l'ampleur de la crise économique qui s'annonce, mais si nous voulons en limiter l'ampleur, il faut agir tout de suite. S'agissant de la trésorerie, la garantie de l'État que vous proposez est une bonne chose, mais comme je l'ai dit ce matin dans ma question adressée à M. le Premier ministre, le report de cotisations pour les entreprises qui n'ont plus d'activité car elles ont dû fermer – par exemple les restaurants – n'est qu'une demi-mesure ; il vaudrait mieux, sur les deux mois qui s'annoncent, envisager une annulation et non un report des cotisations. Nous l'avons vu en 2008 : on avait envisagé des reports, mais les entreprises ont fait faillite et c'est de toute façon l'État qui a payé à la fin ; alors autant annoncer dès aujourd'hui l'annulation des cotisations. Enfin, nous soutenons évidemment la création du fonds d'urgence que vous proposez, même si nous avons déposé des amendements tendant à le rehausser.

Mais, messieurs les ministres, je voudrais vous interroger sur ce qui ne figure pas dans ce projet de loi de finances rectificative. Tout à l'heure, le ministre de l'action et des comptes publics nous a parlé de 2 milliards pour les hôpitaux ; mais personne ne les a vus ! Montrez-nous où ils sont ! L'urgence est à nos portes, il faut recruter des personnels tout de suite : dans les blocs de réanimation, il faut 1,5 soignant pour 2 malades ; dans les autres services, il faut 1 soignant pour 5 malades. Les recrutements doivent se faire immédiatement. Pour avoir échangé avec des responsables dans les hôpitaux et les cliniques, je sais que le vivier de recrutement est là ; il suffit de l'actionner. Donc dites-nous, je vous en prie, où se trouvent ces 2 milliards parce que nous ne les avons trouvés ni ce matin, en commission, ni en relisant le projet de loi. Or il y a urgence : si les professionnels de santé achètent 10 000 respirateurs de plus, au gré de l'évolution de la crise, il faut qu'il y ait des personnels pour les faire fonctionner, sinon cela ne servira à rien et les établissements hospitaliers vivront un désastre.

Même si, vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, le projet de loi de finances rectificative n'est pas un texte à objectif sanitaire, il en est néanmoins la traduction budgétaire, donc nous aurions souhaité qu'il éclaire également la question des moyens que vous affectez à la production des masques et des tests. Ce matin, j'ai posé une question en ce sens à M. le Premier ministre.

Enfin, nous vous avons demandé, par la voix de ma collègue Christine Pires Beaune, de revenir sur le jour de carence pour les fonctionnaires touchés par le coronavirus, pour les aligner sur le secteur privé. Il est important de faire ce geste. Ce serait une mesure temporaire – je ne remets pas en cause votre doctrine – , mais il faut la prendre d'urgence car de nombreux fonctionnaires sont concernés.

Pour ce qui est de la garantie que vous prévoyez, nous aurions souhaité – mais nous avons été retoqués, nous aussi, par l'article 40 – qu'elle s'applique également aux établissements français d'enseignement à l'étranger. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

En conclusion, un projet de loi de finances rectificative n'a évidemment pas vocation à régler tous les sujets, mais il doit régler l'urgence. Je souhaiterais donc, messieurs les ministres, que vous nous donniez des précisions renseignées sur les 2 milliards que vous avez évoqués et qu'à ma connaissance personne n'a trouvés. Il y a un vivier de personnels qui peuvent être recrutés tout de suite ; il faut le faire, et pour cela, vous devez activer l'ensemble des crédits budgétaires qui sont nécessaires. Faites la lumière sur ces 2 milliards, faites en sorte qu'ils deviennent réels, qu'ils puissent être débloqués et activés tout de suite. C'est l'urgence, et votre projet de loi de finances rectificative ne la reflète pas.

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