Je voudrais répondre aux questions importantes qui m'ont été posées. Premièrement, je le redis, nous sommes dans une situation exceptionnelle, qui nécessite donc un temps de calage. Celui-ci est naturel : il faut le considérer avec sérénité.
Deuxièmement, l'orientation que nous avons fixée consiste à combiner la sécurité sanitaire totale et non négociable des salariés avec la continuité de l'activité économique du pays. Ce sont ces deux points qu'il faut arriver à concilier. Valérie Rabault a insisté sur le sujet de la sécurité juridique. Dans ce domaine, la règle restera la même : l'employeur est responsable de la sécurité de ses salariés sur leur lieu de travail. La difficulté consiste à garantir cette sécurité en période d'épidémie. L'équation est très compliquée, et je comprends parfaitement la nécessité pour l'employeur d'avoir des garanties juridiques. Je me mets à la place du patron de PME, dans le secteur des travaux publics, qui envoie dix ou quinze salariés sur un chantier : il ne veut pas être mis en cause judiciairement pour les avoir exposés.
Encore une fois, je comprends et je partage ce sentiment ; il est légitime ; il faut garantir aux patrons un droit qui les protège. J'appelle donc une nouvelle fois la Fédération française du bâtiment à négocier avec la puissance publique, notamment le ministère du travail, un protocole clair et précis concernant les règles applicables sur les chantiers dans le cas très particulier d'une crise sanitaire comme celle que nous connaissons aujourd'hui. Ce protocole pourrait être complété par le guide général de bonnes pratiques qui est en cours de négociation et concerne l'ensemble des filières économiques.
Troisièmement, le chômage partiel est possible dès lors que l'activité se trouve à l'arrêt. Là encore, je veux rassurer tout le monde : nous n'allons pas commencer à examiner les raisons de cet arrêt. Dans certains secteurs, par exemple l'industrie automobile, l'activité sera interrompue faute de commandes : plus personne ne va acheter de voiture, d'autant que les concessions automobiles sont fermées. Il y a donc forcément des usines à l'arrêt chez Renault et chez PSA. Par une réaction en chaîne, des sous-traitants vont mécaniquement se retrouver dans la même situation ; il est normal qu'ils aient également droit au chômage partiel.
Dans le bâtiment, certains chantiers permettent de garantir la sécurité des salariés. Encore une fois, ce sera aux professionnels de la filière, en liaison avec les ministères du travail et de la santé, de définir ce qui sera possible ou non. Mais prenons l'exemple de deux couvreurs sur un toit : ils sont espacés de 2 ou 3 mètres et n'ont pas de contact avec le client ; leur activité ne pose donc sans doute pas de problème de sécurité sanitaire. Même si cela devra être confirmé par les services spécialisés, il me semble qu'un tel chantier pourrait se poursuivre. En revanche, prenez un chantier où vingt, trente, quarante ouvriers sont confinés dans un espace souterrain : je comprends que cela pose une véritable difficulté et que l'on préfère l'interrompre. Dans ce dernier cas, l'entreprise aura évidemment droit au chômage partiel.
Nous allons procéder secteur par secteur. En la matière, je prendrai deux exemples importants. Le premier est celui de la grande distribution : depuis une semaine, je discute une à deux fois par jour avec ses représentants. Il faut garantir la sécurité sanitaire des caissières et des caissiers ; par le dialogue, nous sommes parvenus ensemble à une solution, celle de les mettre à l'abri derrière des vitres en plexiglas. Peut-être faudrait-il des éléments complémentaires, des masques, du gel hydroalcoolique ; nous adaptons tout cela au fur et à mesure, mais nous sommes en tout cas en train de définir les bonnes solutions. Le deuxième exemple, qui a fait l'actualité aujourd'hui, est celui des libraires. On m'a dit que les gens iraient acheter leurs livres sur des sites internet, ce qui affaiblirait les libraires indépendants. J'ai répondu ce matin que si ceux-ci souhaitaient ouvrir leur librairie, j'étais prêt à étudier le dossier. Ils se sont réunis et ont conclu qu'ils n'arriveraient pas à gérer le flux des clients dans une librairie, à faire que les gens ne fassent qu'entrer et sortir, à respecter un certain nombre de consignes de sécurité, et que par conséquent, en leur âme et conscience, il ne leur paraissait pas raisonnable d'ouvrir. Le ministre de la culture, Franck Riester, et moi-même respectons cette décision prise par le Syndicat de la librairie française. Pour autant, si celui-ci estime demain, ou dans deux semaines, trois semaines, que les conditions ont évolué et qu'il souhaite revenir sur sa décision, redéfinir les règles, nous serons toujours ouverts.
Je le répète, dans une situation totalement nouvelle, la solution passera par le respect de certains principes, dont le plus important est la sécurité sanitaire des salariés et des autres travailleurs, mais aussi par le dialogue, le dialogue et encore le dialogue, que ce soit au niveau du lieu de travail, à celui de l'entreprise, de l'industrie ou de la filière.