Il est défavorable. Je veux également répondre aux questions qui m'ont été posées concernant le fonds de solidarité et le chômage partiel.
Le fonds de solidarité, d'abord, est destiné aux entreprises et non aux salariés, lesquels bénéficient d'autres dispositions. Le fait d'être conjoint collaborateur ou non ne change donc rien, l'argent étant versé à l'entreprise en tant que structure juridique. Le fonds est par ailleurs réservé aux entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros : le dispositif est volontairement destiné aux petits entrepreneurs. Les autres entreprises, plus grandes, peuvent disposer d'autres solutions et filets de sécurité.
Une partie des fonds sera versée automatiquement, à toutes les entreprises ayant dû fermer en raison des règles de sécurité sanitaire que nous avons instaurées. Des bars, des restaurants ou encore des lieux de rassemblement ont fermé : ceux-là seront automatiquement éligibles au fonds de solidarité, car ils n'ont pas d'autre solution : du fait de leur fermeture, ils n'ont plus ni clients ni chiffre d'affaires. Nous leur garantirons donc un filet de sécurité.
Nous avons en outre décidé d'élargir le dispositif à toutes les entreprises qui auront perdu 70 % de leur chiffre d'affaires entre mars 2019 et mars 2020. Je tiens à préciser, mon téléphone portable étant chaque jour inondé de centaines de messages d'entrepreneurs – d'Évreux ou d'ailleurs – me demandant par exemple si une baisse de 66 % du chiffre d'affaires sera prise en charge, que nous interpréterons ce deuxième critère avec souplesse.
Le premier étage du fonds de solidarité prendra la forme d'une indemnité forfaitaire automatique de 1 500 euros, qui sera versée par la direction générale des finances publiques aux entrepreneurs éligibles, sans doute au début du mois d'avril – le temps de déployer le dispositif, dont je rappelle qu'il concernera des centaines de milliers d'entreprises, ce qui implique une certaine lourdeur.
Viendront ensuite toutes les demandes d'entrepreneurs qui, ayant perdu 70, 75, ou 80 % de leur chiffre d'affaires, ne pourront pas se contenter de 1 500 euros et auront besoin d'une somme supérieure – 3 000, 4 000 ou 5 000 euros. Ces entrepreneurs auront d'abord la possibilité, je le répète, de demander un crédit à Bpifrance, la banque publique d'investissement, dont la vocation première est de soutenir les petites entreprises. Je rappelle que nous avons porté de 40 à 90 % la garantie des crédits accordés par Bpifrance. L'État couvre ainsi la quasi-intégralité des crédits accordés aux petits entrepreneurs. Les entrepreneurs pourront également bénéficier, au titre du fonds de solidarité, d'une somme pour laquelle nous n'avons fixé aucun plafond.
Les dossiers seront instruits aux niveaux national et régional. Au niveau national, François Werner a été nommé responsable de la gestion et du suivi du fonds de solidarité. À l'échelle régionale, Renaud Muselier, président de l'Association des régions de France, qui gère actuellement le fonds, désignera une personne pour en assurer le suivi technique et instruire les milliers de dossiers – car il y en aura des milliers – de petits entrepreneurs qui souhaiteront bénéficier du fonds de solidarité car ils ne parviennent pas à s'en sortir. Nous nous montrerons, je le répète, souples et compréhensifs dans l'interprétation des critères d'accès au fonds.
Enfin, parce que nous sommes bien évidemment forcés d'adapter en permanence le dispositif, je tiens à préciser un dernier point très important, qui a fait l'objet de nombreuses remontées depuis quarante-huit heures : les professions libérales seront éligibles au fonds. Je ne fais évidemment pas ici référence aux très grands cabinets d'avocats : nous ferons en sorte que le fonds soutienne les plus modestes. J'évoquerai à nouveau l'exemple d'un kinésithérapeute exerçant à Mulhouse qui, n'ayant plus aucune activité, décide d'aider bénévolement à l'hôpital, lequel fait face à une crise extraordinairement violente et a besoin de bras et d'aides multiples : il est parfaitement légitime que ce kinésithérapeute, exerçant une profession libérale et percevant des revenus modestes, bénéficie du fonds de solidarité nationale.
S'agissant du chômage partiel, je rappelle que, jusqu'à présent, le dispositif existant ne rembourse le chef d'entreprise que pour les salaires versés jusqu'à hauteur du SMIC : au-delà, tout reste à sa charge. Ainsi, lorsqu'un chef d'entreprise se trouvait confronté à une baisse brutale des commandes et de l'activité, il n'était nullement incité à mettre ses salariés en chômage partiel, car il perdait beaucoup d'argent. Que faisait-il alors ? Nous l'avons constaté en 2008 : il licenciait – pas de gaieté de coeur, mais parce qu'il n'avait pas le choix. Le chômage partiel lui aurait coûté trop cher car il aurait entraîné, en réponse à la perte de chiffre d'affaires et de commandes, une charge financière particulièrement lourde pour tous les salaires supérieurs au SMIC.
Nous avons voulu tirer les conséquences de l'erreur – qui n'a pas été commise en 2008 par le gouvernement d'alors, mais de nombreuses années auparavant – ayant consisté à définir un dispositif de chômage partiel couvrant trop peu de salariés. Nous avons donc décidé de rembourser les chefs d'entreprise jusqu'à hauteur de 4,5 SMIC – montant dont nous estimons qu'il nous permettra de couvrir l'immense majorité des salariés français. Le remboursement sera intégral pour les salaires inférieurs au SMIC. Au-delà, il représentera 70 % du salaire brut et 84 % du salaire net.
Chaque situation sera étudiée avec beaucoup d'attention. J'ai parfaitement conscience qu'un salarié percevant une rémunération égale à deux fois le SMIC, s'il ne touche plus que 84 % de son salaire net, subira une perte de pouvoir d'achat de 16 %. Nous sommes conscients de l'effort demandé. Cette solution me semble toutefois la moins mauvaise – en tout cas, la plus protectrice de la vitalité économique de notre pays et de ce qui fait la force des entreprises : les talents, les formations, les qualifications et les salariés eux-mêmes.
Vous m'interrogez par ailleurs sur le calcul nous ayant conduits à retenir un volume d'heures à indemniser correspondant à 15 % des heures travaillées. Tout d'abord, 40 % des 25 millions de salariés sont en télétravail – je tiens d'ailleurs à saluer cette proportion très importante. Or, dans le mot « télétravail », il y a « travail » : je vous garantis que, d'après tous les retours d'entreprises portés à ma connaissance, les salariés en télétravail travaillent durement, dans des conditions compliquées. Il est assurément moins facile de travailler chez soi, parfois entouré d'enfants qui peuvent constituer une distraction, plutôt que dans un environnement de travail. Nous estimons ensuite qu'environ 45 % des salariés continueront à travailler, pour assurer la continuité économique que j'ai largement évoquée depuis quelques heures. Restent donc 15 % de salariés soumis au chômage partiel. Je serai très clair avec vous, Charles de Courson : nous avons évidemment formulé ces estimations sans disposer d'indications précises, en essayant d'être le plus honnêtes et le plus sincères possible. Peut-être seront-elles démenties par la réalité. Peut-être la proportion de salariés en chômage partiel atteindra-t-elle 20 % plutôt que 15 %. Nous ajusterons le dispositif à la réalité des situations.
Quant aux modalités de prise en charge, nous avons retenu la clef de répartition existante : deux tiers seront financés par l'État et un tiers par l'Unédic. Il me semble sage, dans une situation d'urgence, qui nécessite d'agir rapidement, de conserver les clefs de répartition déjà appliquées. C'est ce que nous avons décidé de faire.