Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits alloués à la mission « Outre-mer » en 2018 s'établissent à 2,104 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,068 milliards d'euros en crédits de paiement. À périmètre constant, le budget augmente de 3,6 % en autorisations d'engagement et de 4,3 % en crédits de paiement. Je m'en réjouis car c'est un signal fort dans un contexte très particulier.

Je pense d'abord, évidemment, aux catastrophes naturelles qui ont causé des dégâts absolument considérables à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, mais aussi en Guadeloupe et en Martinique.

Je pense également aux mouvements sociaux qui ont eu lieu en 2017, traduisant le malaise de certaines populations qui peuvent parfois se sentir abandonnées, notamment en Guyane et à Mayotte.

Je pense enfin et surtout à l'adoption de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi EROM, qui a prévu la mise en place de plans de convergence entre les territoires ultramarins et l'Hexagone. Cette loi ne peut pas être une nouvelle liste de bonnes intentions jamais suivies d'effet : il est de la responsabilité de l'État de la rendre effective. L'ambition de la convergence n'est absolument rien sans les moyens de la convergence. Or je veux ici rappeler que le soutien du budget de l'État aux outre-mer, lorsqu'on le rapporte au nombre d'habitants, est moins intense que le soutien à destination de l'Hexagone : en effet, les dépenses à destination des outre-mer représentent 3,9 % des dépenses brutes du budget général, alors que les populations ultramarines comptent pour 4,3 % de la population nationale.

Madame la ministre, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire en commission élargie, ce budget pour 2018 va dans le bon sens. Mais permettez-moi d'évoquer quelques sujets qui appellent notre vigilance.

Je sais à quel point la contrainte budgétaire est pesante pour le ministère des outre-mer, mais je ne comprends pas pourquoi le nécessaire redressement des finances publiques pèserait davantage sur la mission « Outre-mer » que sur les crédits des autres ministères. La croissance en volume des crédits de la mission prévue pour 2019 et 2020 est inférieure aux objectifs de croissance de l'ensemble des crédits ministériels. Cette évolution détonne avec les espoirs suscités par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et les objectifs de convergence.

De même, en 2018, les crédits alloués à l'action « Logement » du programme 123 baissent de 20 millions d'euros. Je ne vous cache pas qu'il s'agit d'un motif d'inquiétude.

Cependant, les crédits budgétaires ne sont pas le seul levier pour soutenir nos territoires. Je veux en effet appeler votre attention, madame la ministre, sur un certain nombre de propositions de nature fiscale que je vous soumets. En ce moment même, la commission des finances se réunit pour examiner les amendements relatifs aux articles non rattachés du projet de loi de finances. J'en ai déposé plusieurs, que je ne peux donc pas défendre moi-même : ils portent sur l'aide fiscale à nos territoires.

Les dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement productif et dans le logement sont d'une importance cruciale pour nos territoires. Les Assises des outre-mer seront d'ailleurs l'occasion d'amorcer une refonte de ces mécanismes. En attendant, je souhaite un gel du resserrement programmé de ces dispositifs.

Ainsi, le CICE serait amené à disparaître. Je ne comprendrais pas que les outre-mer soient la victime collatérale de cette suppression. L'application d'un taux majoré dans ces territoires est justifiée. Je propose que le principe du maintien du CICE outre-mer soit acté avant la conclusion des Assises ; si les discussions aboutissent à une meilleure solution, alors il sera supprimé.

S'agissant des dispositifs de réduction d'impôt pour l'investissement productif, la diminution progressive du seuil de chiffre d'affaires en deçà duquel les entreprises ne sont éligibles qu'au seul crédit d'impôt pose un problème de préfinancement. Je propose de maintenir ce seuil à 20 millions d'euros. Le dispositif serait par ailleurs prolongé de cinq ans, de manière à donner de la visibilité aux investisseurs. Je défendrai également un amendement portant création d'un fonds de garantie visant à préfinancer le crédit d'impôt. Nous débattrons de cette question lors de l'examen des amendements.

Enfin, je propose de prolonger et d'étendre la défiscalisation dans le secteur du logement lorsqu'elle touche à certains travaux de réhabilitation et de renforcement antisismique ou paracyclonique. Un dispositif particulier permet aujourd'hui à des personnes aux revenus modestes occupant leur logement de financer sa rénovation grâce à l'intervention d'un tiers investisseur. Je propose également de maintenir ce dispositif.

Madame la ministre, soyez assurée de mon soutien à la politique que vous menez en faveur des outre-mer. La hausse réelle et sincère des crédits en 2018 est un premier signe encourageant. Il faut maintenant que se concrétisent les ambitions formalisées par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et les perspectives des Assises. Nos territoires ont besoin de concret.

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