Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du samedi 21 mars 2020 à 21h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je comprends parfaitement que les circonstances aient conduit le Gouvernement à prendre des mesures que j'ai approuvées mais dont je ne suis pas certain de la légalité, comme la suspension de la réunion des conseils municipaux, celle du processus électoral, ou comme d'autres mesures liées à l'état d'urgence sanitaire, qui n'existaient pas mais qui se sont révélées nécessaires pour la protection de la population. Il arrive parfois que, face à un drame, le pouvoir politique doive dépasser le cadre du droit. Je ne conteste pas cela. Je ne conteste même pas le fait que ni le Président de la République, ni celui de l'Assemblée nationale ni celui du Sénat ne saisissent le Conseil constitutionnel, pour permettre l'entrée en vigueur de la loi.

Mais ce que je demande humblement à l'ensemble de la représentation nationale, par le présent amendement, c'est qu'un citoyen puisse encore intervenir auprès du Conseil constitutionnel sur un sujet qui le concernerait, en posant une question prioritaire de constitutionnalité – la loi sera alors promulguée, elle s'appliquera et n'empêchera pas le Gouvernement de gérer cette crise. C'est cette possibilité que nous désactivons si nous n'excluons pas le projet de loi d'urgence que nous venons de voter du champ de l'article unique du projet de loi organique.

Vous me répondez qu'il n'y aurait pas d'ordre de priorité. Mais à quoi peut servir un recours dès deux mois, dans le domaine de l'état d'urgence sanitaire, si trois mois au minimum sont nécessaires pour que le Conseil constitutionnel puisse se prononcer ? Cela revient à rendre inopérant le contrôle de constitutionnalité ! Si les élections municipales ont lieu dans les trois mois à venir, pourquoi suspendre l'examen des QPC par la Cour de cassation puis par le Conseil constitutionnel au-delà de trois mois ? Sur le projet de loi d'urgence que nous venons de voter, nous n'avons ni le droit ni la légitimité de prendre de telles dispositions.

Je comprends pourquoi vous allez agir ainsi mais je ne partage pas votre avis. La disposition que je propose, avec cet amendement, ne nous empêcherait pas d'être efficaces dans la lutte contre le virus mais nous permettrait de rester – un peu – dans le cadre des grands principes fondamentaux de notre droit.

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