Intervention de Marie Guévenoux

Séance en hémicycle du dimanche 22 mars 2020 à 18h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Guévenoux, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Nous voici à la dernière étape du processus de discussion d'un projet de loi exceptionnel, dicté par des circonstances exceptionnelles, et dont le cheminement législatif aura été permis par un engagement exceptionnel de la part de tous.

Le projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a été délibéré en conseil des ministres mercredi après-midi. Le Sénat l'a adopté vendredi au petit matin. Notre commission des lois l'a examiné jusqu'à vendredi soir et l'Assemblée nationale s'est prononcée cette nuit même. La commission mixte paritaire est parvenue à un compromis à 14 heures 30 ; le Sénat l'a validé à 17 heures 30 ; nous allons voter et, si tout va bien, le Président de la République pourra promulguer la loi dès ce soir.

Voilà ce que l'on appelle une véritable procédure d'urgence. Nous pouvons déjà nous montrer fiers d'avoir, ensemble, relevé le défi de la célérité dans notre combat contre l'épidémie qui menace le peuple français. Mais nous avons une seconde raison de nous réjouir : les conditions dans lesquelles nous nous trouvons n'ont pas abattu la force de notre démocratie parlementaire.

Nous aurions pu sacrifier à l'ambition de la vitesse notre raison d'être même. Le Sénat, dans la journée de jeudi, avait fait un travail d'excellente qualité sous la direction du rapporteur Philippe Bas. Nous aurions pu abdiquer nos prérogatives de législateur et avaliser tel quel le projet de loi qui nous était transmis. Nous aurions pu fermer la porte à toute évolution pour parvenir avec un moindre effort à une adoption dans le courant du week-end. Au contraire, l'Assemblée nationale a pleinement assuré sa mission constitutionnelle ; elle a exercé son droit d'amendement ; elle a inscrit dans le texte des évolutions et des améliorations ; elle a entendu toutes les voix qui se sont exprimées au cours du débat. J'ai rapidement parcouru le compte rendu des débats en commission des lois et en séance publique pour y vérifier ce que je pressentais : le projet de loi que nous avons adopté a incorporé des amendements présentés par la totalité des groupes politiques de l'Assemblée et même par des députés non inscrits. Voilà un beau symbole de l'unité nationale qui se construit face au péril sanitaire. Ainsi, il importe de le souligner, je ne vous présente pas seulement le texte de la majorité, mais le texte de toute l'Assemblée nationale ; merci à tous, vraiment.

J'en arrive à la commission mixte paritaire, sur laquelle je m'attarderai peu. Le même esprit d'ouverture qu'à l'Assemblée a régné au Sénat. La présidente de la commission mixte paritaire, que je salue, et moi-même avons rapidement acquis la certitude que la volonté était d'aboutir à un consensus : chacun était prêt à des concessions réciproques.

Nos débats se sont concentrés sur deux points essentiels. Dans le volet sanitaire du projet de loi, que nous avons symboliquement transformé en titre Ier au vu des enjeux qu'il emporte, nous avons réussi à trouver un consensus au sujet de la clause de sauvegarde. Le Sénat considérait qu'une marge de manoeuvre trop importante était laissée au Premier ministre, autorisé à limiter trois libertés fondamentales : la liberté de circulation, la liberté de réunion et la liberté d'entreprendre. Du côté de l'Assemblée nationale, nous considérions qu'une liste limitative comportait le risque de bloquer l'action du Gouvernement dans le cas où une mesure à laquelle nous n'aurions pas pensé serait nécessaire. En commission mixte paritaire, nous avons restreint la clause de sauvegarde en circonscrivant le pouvoir de limitation du Premier ministre à la seule liberté d'entreprendre, car il est difficile, à ce stade, d'imaginer les restrictions qui pourraient être requises en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. En contrepartie, nous avons étendu les pouvoirs du Premier ministre en matière de fermeture de lieux et de restrictions de circulation. Par ailleurs, la commission mixte paritaire a précisé que toutes les mesures prises au titre de l'état d'urgence sanitaire pourraient faire l'objet d'un référé suspension ou liberté ; il s'agit d'une garantie importante pour le citoyen.

Dans le volet électoral, nous avons choisi d'apaiser les inquiétudes des élus municipaux en écrivant noir sur blanc que les élections régulièrement acquises lors du premier tour du 15 mars le seraient définitivement. Nous avons aussi explicité le scénario selon lequel l'épidémie empêcherait un second tour avant l'été, en indiquant qu'il faudrait alors prolonger au-delà de l'été le mandat des conseils municipaux dans les communes où un second tour était nécessaire. Il faudrait pour cela une nouvelle loi ; il faudrait même aussi une loi organique, car nous devrions alors, en conséquence, reporter les élections sénatoriales à une date postérieure. Bien sûr, cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de figer le corps électoral des sénateurs : le Sénat sera renouvelé une fois que les conseils municipaux l'auront tous été.

La commission mixte paritaire a également décidé de maintenir la désignation des maires élus ce week-end en dépit des consignes de confinement, en différant simplement leur prise de fonction pour qu'elle ait lieu à la même date que dans les communes où l'élection a été reportée pour respecter ces consignes. C'est une solution de consensus et de bon sens dont nous devons la suggestion à notre collègue Charles de Courson.

Tel est le compromis adopté en commission mixte paritaire et que le Sénat a d'ores et déjà approuvé. Je vous invite à faire de même. Nous aurons alors fourni au Gouvernement toutes les armes nécessaires pour mener le combat. Tous, sur tous les bancs, nous souhaitons que vous en fassiez le meilleur usage, et que ce virus rejoigne rapidement la liste des maladies dont la science a libéré l'humanité.

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