Nous le savons, nous ne sortirons pas tous égaux du confinement, qu'il intervienne le 11 mai ou plus tard. Ceux qui se battent au quotidien auprès des personnes qui souffrent, dans les EHPAD, les associations caritatives ou les syndicats, l'expriment avec le plus de force : ils nous disent à quel point, malgré les actions de charité, l'engagement et la conscience professionnelle de nombreux acteurs, les inégalités se trouveront amplifiées à l'issue du confinement.
Il y a quelque chose d'indécent, une atteinte à ce que George Orwell appelait la « décence commune », dans les propos du président du MEDEF, qui somme, en quelque sorte, les travailleurs français de faire des efforts et les prévient qu'ils devront travailler plus et autrement dans les années à venir. L'effet de contretemps est terrible, alors que des millions de nos compatriotes craignent pour leur pouvoir d'achat ou leur emploi et que d'autres descendent au niveau du seuil de pauvreté. Je le répète, il y a dans ces propos quelque chose de profondément indécent.
Toutes les périodes de rupture qui ont fait grandir notre société furent précédées de mouvements significatifs de justice. Je ne parle pas de charité, mais bien de justice. Pour s'en persuader, il n'y a qu'à relire la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 27 août 1789, citée hier par le Président de la République : elle fut précédée, le 4 août, par l'abolition des privilèges. Plutôt que de réclamer un nouvel effort au pays, le temps est plutôt à l'abolition des privilèges ! Je pense aussi à une autre époque importante, celle des jours heureux du Conseil national de la Résistance : toutes les déclarations qui en émanent, entre mars 1944 et mai 1945, font référence à la justice sociale afin de refonder notre société. Tel est le discours que nous avons besoin d'entendre en ce moment.
Le Président de la République nous a invités à savoir « nous réinventer ». Écoutez nos propositions : on n'a pas besoin de charité mais de justice pour que l'effort ne serve pas simplement à reconstruire, mais qu'il permette de refonder notre société, notre économie, notre pays !