Je me réjouis du fait que les travaux de la CMP aient abouti. Je félicite les membres des deux commissions des finances, ainsi que les rapporteurs de la CMP pour le Sénat et l'Assemblée nationale, qui ont travaillé avec leurs équipes dans des conditions rendues difficiles par le peu de temps dont ils disposaient. J'y vois la traduction de la bonne volonté qui prévaut de part et d'autre : chacun souhaite que le plan de soutien à l'économie réussisse.
Je ferai part de plusieurs motifs de satisfaction, mais également de quelques points d'interrogation. Chacun comprend, tout d'abord, que le deuxième PLFR pour 2020 contient, en réalité, des éléments qui figureront dans le troisième PLFR pour 2020. Les débats l'ont clairement montré. Le texte comporte également des éléments qui devront être corrigés. C'est vrai, à l'échelle macroéconomique, des prévisions concernant le niveau de récession : les chiffres sont vertigineux. Nous ne pouvons pas nous y habituer – nous n'en avons pas le droit. Les crises centennales devenant décennales, nous devrons, le moment venu, réagir et tenter de travailler différemment.
Ce PLFR accuse également, je le crois, plusieurs sous-budgétisations – même si l'exercice de prévision est bien entendu difficile. Je songe évidemment au coût du chômage partiel, que M. Charles de Courson a évoqué à plusieurs reprises, mais aussi à d'autres points sur lesquels je n'ai pas le temps de m'étendre.
S'agissant des motifs de satisfaction, il est bon, tout d'abord, que les 20 milliards d'euros qui seront débloqués pour renforcer les fonds propres des entreprises fassent l'objet d'une discussion, ou au moins d'une information au Parlement, dans le respect des conditions de confidentialité qui s'imposent. La décision relative aux heures supplémentaires est également une bonne chose. Comme nous l'avions annoncé – même si je ne pensais pas que cette décision interviendrait aussi rapidement – , le plafond d'exonération de l'impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires a été porté de 5 000 à 7 500 euros par an, ce qui me semble raisonnable.
Le relèvement du plafond des dons donnant droit à un avantage fiscal constitue aussi une avancée, tout comme la constitution du comité de suivi et l'intensification du rythme auquel les statistiques lui seront transmises. Cette instance sera importante, car elle réunira toutes les parties et permettra de vérifier que les mesures votées se traduiront effectivement sur le terrain. De la même façon, l'extension du dispositif de prêts participatifs destinés aux petites entreprises est fondamentale.
Quelques points d'interrogation demeurent. La question principale, qui a été soulevée au cours des débats et qui avait fait l'objet d'un amendement adopté au Sénat mais non retenu par la CMP, consiste à savoir quand vous annulerez les charges sociales et fiscales que vous vous contentez pour l'heure de reporter. Vous procéderez forcément à ces annulations. Je ne sais pas si vous le ferez à hauteur de 20 ou de 30 milliards d'euros, mais vous ne pourrez pas demander aux entreprises, alors qu'elles seront – nous l'espérons tous – en pleine reprise, de payer à la fois les charges du moment et celles du passé. Ces annulations feront probablement partie du plan de relance, mais nous aurions dû, me semble-t-il, jouer cartes sur table sur ce point : c'était une condition clef de visibilité et de lisibilité du budget, et une mesure de nature à rassurer les entreprises. Vous ne l'avez pas voulu, mais vous le ferez. Nous devrons très bientôt débattre du dégrèvement et de l'annulation des charges fiscales et sociales.
Je pense ensuite à l'évolution du rôle des assureurs, dont nous avons beaucoup parlé et à propos de laquelle nous partageons la même opinion. Cette évolution devra se traduire, le moment venu, par la création de nouveaux dispositifs afin de répondre à la période actuelle mais aussi à celle qui viendra.
Je songe également à la question des loyers : j'espère que la mesure votée, c'est-à-dire la prise en compte de l'abandon de créance dans le calcul de l'impôt sur les sociétés, sera à la hauteur de l'ambition – que je partage – du ministre de l'économie et des finances, qui souhaite que les grandes foncières ne perçoivent pas, en ces temps de crise, les loyers dont s'acquittent habituellement les professionnels.
Enfin, une dernière interrogation porte sur l'utilisation des surplus d'épargne tout à fait considérables qui se sont constitués. Les Français étant confinés, ils ne consomment pas, alors même qu'à l'exception des professions libérales et de certains commerçants, nombre d'entre eux – salariés, retraités, fonctionnaires, autant de gros bataillons – n'ont pas subi d'importantes pertes de revenus. Comment transformer cette épargne et l'employer de manière utile et performante pour accompagner la relance et surtout accélérer le rythme de la croissance – parce que la croissance reviendra ?
En conclusion, je voudrais m'assurer du bon accès aux dispositifs. En tant que députés, nous recevons beaucoup de remontées. Nous évoquerons ce point en comité de suivi, mais je ne crois pas aux chiffres avancés par Bruno Le Maire. Lorsque ce dernier affirme que seuls 5 % des dossiers de demandes de prêts garantis par l'État – PGE – font l'objet d'un refus, je pense qu'il relaie la statistique qui lui a été transmise, mais que ce pourcentage n'est pas juste. J'espère me tromper. La base même de ce chiffre mériterait probablement d'être discutée. Toutes les mesures adoptées vont dans le bon sens et sont à la hauteur de la réponse à apporter pour soutenir l'économie, mais leur succès dépend aussi du comportement – bureaucratique ou non, tatillon ou non – de ceux qui instruiront les demandes. L'accès aux dispositifs de soutien ne doit pas être une course d'obstacles pour ceux qui peuvent y prétendre, sinon l'économie aura bien du mal à redémarrer. Je demande instamment au Gouvernement et à son administration d'y veiller.