La pandémie révèle chaque jour un peu plus la responsabilité écrasante de notre modèle économique, du poids de la finance et des logiques de profits qui ont prospéré sur l'exploitation des hommes et de la planète. Nous avons été bien seuls, ces dernières années, à alerter, avec quelques autres, sur la déshumanisation de la société, les risques écologiques ou la casse de nos services publics, notamment celui de la santé. Aujourd'hui, chacun y va de sa petite rengaine pour dire qu'il faut tout changer : tout le monde veut plus de souveraineté économique, d'industrie et de services publics, et nos soignants sont devenus des héros. Mais comment voulez-vous être crédible, monsieur le secrétaire d'État, après tant de revirements ?
Alors, quand nous avons à débattre d'un plan d'urgence pour le pays – doté de 110 milliards d'euros, excusez du peu – permettez-nous d'être exigeants. Un plan à 110 milliards d'euros, ce n'est pas une paille ! Nous aurions aimé pouvoir en faire bouger quelques lignes, tous ensemble, pour répondre à l'urgence tout en préparant le monde d'après. Un amendement communiste – républicain, oserai-je – visait à interdire les aides aux multinationales logées dans les paradis fiscaux. Adopté au Sénat, il a été écarté par la CMP ! Un autre tendait à créer une taxe sur les assurances permettant de collecter 1,9 milliard d'euros pour venir en aide aux petites entreprises. Il a subi le même sort.
L'urgence, c'était de pouvoir apporter une aide à toutes celles et ceux qui sont confrontés à la pauvreté ou qui le seront. Or aucun débat n'a eu lieu sur cette question. Nous savons seulement que 880 millions d'euros de crédits y seront consacrés, sur un total de 110 milliards.
L'urgence, c'était d'aider les salariés en chômage partiel qui perdent 16 % de leur salaire ainsi que les pourboires et les primes, et qui subissent les hausses des prix tout en voyant leurs factures augmenter.
L'urgence, c'était aussi d'augmenter beaucoup plus fortement le fonds de solidarité afin que toutes les demandes des TPE et PME touchées soient satisfaites, y compris celles des artisans sans salarié ou des entreprises employant entre onze et vingt personnes. Vous avez, au contraire, fait le choix d'être bien généreux avec les grandes entreprises, auxquelles vous accordez 20 milliards d'euros de crédits, sans que nous sachions lesquelles seront concernées ni à quelles conditions : ce débat, vous venez de le dire, viendra plus tard. Nous savons en revanche déjà que Luxfer, Famar et d'autres entreprises n'en feront pas partie. Aucun amendement visant à conditionner ces aides au respect d'objectifs sociaux ou environnementaux n'a été accepté – comme si la revendication récente du MEDEF, qui a votre oreille et se permet de vous demander ouvertement de repousser la transition écologique, était déjà entendue.
L'urgence, c'était enfin d'apporter une aide plus importante aux territoires ultramarins qui dénoncent toujours le fossé entre vos discours et la réalité des aides apportées.
L'autre absente de ce texte, c'est la question des recettes fiscales, lesquelles restent introuvables alors que le pays s'apprête à débourser 110 milliards d'euros. Qui paiera, monsieur le secrétaire d'État ? C'est la dette qui financera la dépense, dites-vous. Mais à la fin, qui paiera la dette ? Qui en remboursera les intérêts ? Le gouverneur de la Banque de France et le patron du MEDEF ont déjà répondu : il faudra rembourser cet argent, dit l'un ; il faudra travailler plus, dit l'autre !
Nous demandons que la Banque centrale européenne annule une partie des dettes publiques qu'elle détient et qu'elle finance directement les investissements des États comme on commence à l'observer dans d'autres pays. Ce n'est pas aux peuples de payer la crise, surtout quand ils en subissent déjà les effets dramatiques ! Oui, les traités européens sont dépassés par cette crise et contaminés par le virus : il est temps d'en écrire de nouveaux, respectueux des peuples et de leur souveraineté, qui organisent la coopération entre les nations plutôt que la concurrence libre et non faussée !
Enfin, la mobilisation de toute la nation est essentielle – et pas seulement de ceux qui travaillent. Il est temps de mettre à contribution la finance et le capital pour participer au redressement du pays, car leurs réserves sont énormes ! Les 358 000 familles les plus riches de France détiennent un patrimoine de 1 028 milliards d'euros ! Les assurances disposent de plusieurs dizaines de milliards d'euros de réserves. L'imposition des revenus financiers est plafonnée à 30 %. Les banques continuent, en ce moment même, de se gaver des intérêts que leur verse l'État : ces derniers atteignent 36 milliards d'euros dans le budget de l'État cette année !
C'est pourquoi nous vous avions proposé de définir des critères avant de permettre l'utilisation de l'argent public, de rétablir l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – et un impôt juste sur les revenus financiers, de taxer la spéculation et de donner davantage de pouvoirs de contrôle aux salariés dans les entreprises. Vous avez tout rejeté en bloc. Décidément, avec vous, le monde d'après n'est pas pour demain !
Pour toutes ces raisons, les députés communistes voteront contre ce projet de loi de finances rectificative. D'autres députés du groupe GDR, notamment les députés ultramarins, s'abstiendront. Je remettrai leurs noms au service de la séance.