prononçant ces mots : « La séance est ouverte », je dis aussi que la séance de ce jour est ouverte aux espoirs que nous partageons avec nos compatriotes et qu'elle est résolument tournée vers les lendemains heureux que chacun d'entre nous appelle de ses voeux.
Mes chers collègues, l'heure n'est pas en ces instants aux considérations secondaires, tant nous sentons, au plus profond de nous-mêmes, avec le peuple français, que nous traversons une épreuve qui marquera l'histoire de notre pays, l'histoire de l'Europe et celle du monde, avec son cortège de peurs, d'incertitudes et de doutes. En ces lieux empreints de l'histoire féconde et tourmentée de notre démocratie, nous savons tous combien nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité ont pu être à plusieurs reprises mises à rude épreuve. Cet hémicycle, où la nation est représentée, a vécu des guerres, des drames, des pandémies, des catastrophes naturelles, autant de moments saisissants qui obscurcissent l'horizon. Parfois, cette noirceur colore de nombreuses existences, face à la menace sournoise d'un virus silencieux qui a déjà arraché à la vie tant de femmes et d'hommes, de pères et de mères, de frères et de soeurs, d'amis et de camarades. Le doute et la peur viennent ébranler nos rationalités, tandis que l'optimisme, consubstantiel à la vie, conduit à s'accrocher à chaque espérance naissante. Dans ce moment où l'impatience est la traduction du désir de vivre, il nous faut admettre une part d'ignorance et de tâtonnements, il nous faut reconnaître que les plaies de cette crise s'annoncent profondes et que les mots ne suffiront pas pour les panser.
Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, vous savez que vous ne gouvernez pas un phénomène qui nous domine et nous savons, mes chers collègues, que la pandémie est plus forte que n'importe laquelle de nos lois. Nulle manifestation d'impuissance, disant cela, seulement la conscience d'être rappelé au tragique de toute histoire individuelle ou collective, qui rend dérisoire toute vanité.
Puisse, mes chers collègues, cet ébranlement général nous apprendre à aborder les sujets dans toute leur profonde complexité, et non dans leur apparente simplicité. Cette responsabilité, nous la devons aux Français, puisque nous sommes la représentation nationale. Vous n'êtes pas seulement soixante-quinze députés dans cet hémicycle – un effectif exceptionnellement réduit afin de respecter les recommandations sanitaires. Je salue, bien entendu, tous nos collègues dont l'absence physique ne doit pas masquer le travail actif et la présence à distance. Vous n'êtes pas seulement soixante-quinze députés, vous représentez la République, dans sa riche diversité, avec ses sensibilités et ses conceptions politiques différentes. Vous n'êtes pas seulement soixante-quinze députés, vous portez l'attente et l'espérance de millions de Français qui nous regardent aujourd'hui, car l'histoire qui nous convoque est celle de la vie quotidienne de chacun et de notre destin collectif. Cette responsabilité, nous la devons aussi à tous ceux dont l'énergie et le courage forcent notre admiration : les soignants, les forces de sécurité et de secours, les fonctionnaires, les paysans, les ouvriers, les salariés, les parents, ainsi que les élus de tous les territoires, qui nous rappellent chaque jour que la France est diverse et que de généreuses initiatives solidaires font de la fraternité un ciment national face à la tempête et donne corps à ce mot de notre devise nationale.
Monsieur le Premier ministre, vous témoignez à l'Assemblée nationale un profond respect en choisissant de vous exprimer d'abord depuis cette tribune. Vous recevrez l'écoute attentive d'une assemblée habitée certes par l'esprit de concorde qu'impose le contexte national, mais aussi par la différence qui fonde notre démocratie. Nul doute que le riche débat qui va s'engager et le vote qui le clôturera permettront à chacun de s'exprimer et de s'engager devant les Françaises et les Français.