Pourquoi ce chiffre ? Parce que le Conseil scientifique nous dit qu'à ce stade, les modèles épidémiologiques prévoient entre 1 000 et 3 000 nouveaux cas par jour à partir du 11 mai. Parce qu'à chaque nouveau cas correspondra, en moyenne, le test d'au moins 20 à 25 personnes l'ayant croisé dans les jours précédents ; 3 000 fois 25 fois 7, cela donne 525 000 tests par semaine ; 700 000 nous procure la marge qui nous permettra, en plus de ces tests des chaînes de contamination, de mener des campagnes de dépistage, comme nous en avons déjà engagé notamment pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes — EHPAD.
Pour atteindre cette cible, nous avons fait sauter les verrous qui empêchaient la participation des laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires à cet effort collectif. La capacité à faire sauter ces verrous sur le terrain, pas seulement dans les discours, est un exercice qui incite aussi, je peux vous le dire, à une grande humilité. Nous avons engagé la mobilisation conjointe des laboratoires publics et privés, qui peuvent aujourd'hui monter en charge très rapidement. Cette mobilisation permettra de garantir dans tout le territoire un accès de proximité aux prélèvements. Nous allons enfin faire passer à 100 % la prise en charge de ces tests par l'assurance maladie. En un mot, tout doit être fait pour rendre la réalisation du test facile et rapide.
Dès lors que le résultat du test sera positif, nous engagerons un travail d'identification de tous ceux, symptomatiques ou non, qui auront été en contact rapproché avec la personne contaminée. Tous ces cas contacts seront testés et invités à s'isoler, compte tenu des incertitudes sur la durée d'incubation. Cette règle est simple à formuler. Mais elle exige, pour être appliquée de façon systématique partout en France, des moyens considérables. Nous ne pourrons réussir que grâce à la mobilisation des professionnels de santé libéraux, notamment des médecins généralistes et des infirmiers libéraux. Ils constitueront d'une certaine manière la première ligne dans cette recherche des cas contacts pour tout ce qui concerne la cellule familiale. Je sais qu'ils peuvent se mobiliser pour cette mission, et nous les accompagnerons. En appui, les équipes de l'assurance maladie s'occuperont de la démultiplication de cette démarche d'identification des cas contacts au-delà de la cellule familiale. Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent lieu à l'application correcte de la doctrine nationale.
Protéger d'abord, tester ensuite, isoler enfin. L'objectif final de cette politique ambitieuse de tests, c'est de permettre d'isoler au plus vite les porteurs du virus afin de casser les chaînes de transmission. L'isolement n'est pas une punition ni une sanction ; l'isolement est une mesure de précaution collective, une mise à l'abri. L'isolement doit être expliqué, consenti et accompagné. Notre politique repose, à cet égard, sur la responsabilité individuelle et sur la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs à l'égard des autres. Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, au cas où ils seraient nécessaires, mais notre objectif est de nous reposer largement sur le civisme de chacun. On observe d'ailleurs – les médecins le disent, ceux qui ont dû gérer des épidémies le disent – que la conscience individuelle, le respect civique des règles, lorsque l'on est déclaré positif, est souvent presque absolu.
Il reviendra aux préfets et aux collectivités territoriales de définir ensemble, avec les acteurs associatifs, les professionnels de santé, les acteurs de la prise en charge à domicile, le plan d'accompagnement des personnes placées dans cette situation d'isolement. Nous laisserons le choix à la personne contaminée de s'isoler chez elle, ce qui entraînera pour des raisons évidentes le confinement de tout le foyer pendant quatorze jours, ou dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés.
Un mot encore sur ce sujet, mais un mot important. Pourrons-nous ou devrons-nous, afin d'être plus efficaces, nous appuyer sur les ressources extraordinaires des outils numériques ? Un consortium européen a lancé un travail devant permettre la création de l'application StopCovid, dont l'utilité ne peut s'envisager qu'en complément des mesures que je viens de décrire. En complément, parce que les enquêtes sanitaires que j'ai évoquées, qu'elles soient physiques ou téléphoniques, sont vitales, mais présentent une faiblesse. Elles se heurtent parfois, dans les centres urbains, à l'impossibilité de reconstituer les chaînes de transmission dans les lieux les plus fréquentés, notamment dans les transports en commun. Difficile de prévenir celui qui a partagé votre rame de métro à sept heures quarante-six sur la ligne 12. Vous ne le connaissez pas, il ne vous connaît pas, et la RATP ne vous connaît ni l'un ni l'autre. C'est l'objet du projet StopCovid, qui permettrait à ceux qui ont croisé une personne contaminée d'intégrer un parcours sanitaire, sans bien entendu avoir aucune information sur l'identité de la personne concernée.
De nombreux responsables politiques, de tous les partis, jusqu'au président de l'Assemblée nationale, m'ont fait part de leurs interrogations concernant cet outil, en particulier dans le domaine des libertés publiques et des libertés individuelles. Ces questions, légitimes, doivent être posées et débattues. Je pense même qu'elles devront donner lieu à un vote.
Pour l'heure, en raison des incertitudes qui entourent cette application, je serais bien en peine de vous dire si elle fonctionnera et de quelle manière. Je ne doute pas que nous parviendrons à mener à bien ce projet grâce aux ingénieurs qui y travailleront d'arrache-pied.
Nous n'en sommes pas là pour le moment aussi me semble-t-il prématuré d'engager le débat.