Pour freiner la propagation du Covid-19 et assurer la bonne prise en charge de nos concitoyens dans les hôpitaux, le Président de la République a dû recourir à une mesure inédite dans notre histoire : demander aux Français de rester à leur domicile. Après quarante-sept jours de confinement, l'horizon s'éclaircit, l'avenir se dessine, et cela grâce à tous nos concitoyens, qui, par leur discipline, leur engagement, leur patience, ont permis de casser l'ascension de la courbe épidémique. Il aura été fait une fois de plus démonstration de l'esprit français, cet esprit de résilience qui a marqué notre histoire.
L'atteinte du plateau épidémique était la condition sine qua non pour envisager le déconfinement. Vous venez, monsieur le Premier ministre, de dessiner les grands principes de ce dernier. Il convient tout d'abord de vous remercier d'avoir pris l'initiative de présenter devant notre assemblée la stratégie de déconfinement du Gouvernement. Il s'agit là d'une marque de confiance envers les représentants de la nation ; à travers nous, c'est au peuple français tout entier que vous venez de parler.
Depuis le 17 mars, notre économie souffre. Les chiffres du chômage concernant mars 2020, parus hier, en témoignent. Certains secteurs n'ont eu d'autre choix que de stopper ou réduire fortement leur activité ; dans le même temps, d'autres ont, malgré la tempête, continué de rendre des services indispensables aux Français. Qu'il me soit permis de remercier de nouveau ici tous ceux qui ont tenu la barre malgré les difficultés et, parfois, malgré les risques : en premier lieu les soignants, mais aussi les accompagnants de personnes âgées ou de malades, les livreurs, les caissières, les ripeurs, les services publics de nettoiement et de transport, ainsi que le formidable tissu associatif, qui s'est mobilisé sans relâche – bien entendu, ces remerciements ne sont pas exhaustifs. Nous, députés de la majorité, veillerons à ce que les engagements pris pour soutenir financièrement ces efforts et revaloriser ces professions, dont on a vu le caractère essentiel, ne soient pas oubliés après le déconfinement.
Le plan de déconfinement construit par le Gouvernement suit, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée, monsieur le Premier ministre, une « ligne de crête ». Il s'agit de trouver le point d'équilibre entre, d'une part, la nécessité de relancer l'activité afin de préserver l'emploi, d'autre part, la prise en considération des enjeux sanitaires. Vous avez présenté plusieurs mesures de déconfinement, qui permettront un retour progressif à l'emploi et garantiront la relance économique de notre pays, tout en assurant la sécurité sanitaire de tous nos concitoyens : commerçants, artisans, professions libérales, employés, salariés, usagers, consommateurs.
Avec le déconfinement, c'est une partie des 350 000 points de vente au détail que compte la France qui vont pouvoir rouvrir et retrouver ainsi une activité et un chiffre d'affaires – à l'exception des centres commerciaux de plus de 40 000 mètres carrés, qui resteront fermés. Il est essentiel que la réouverture des magasins s'accompagne de la mise à la disposition des commerçants et de leurs employés d'un arsenal de moyens afin d'assurer leur sécurité, ainsi que celle de leurs clients. Toutefois, cette épidémie ne doit pas nous faire oublier que ce secteur est confronté à des difficultés structurelles ; je pense notamment aux grandes plateformes de e-commerce, qui imposent souvent une concurrence à laquelle il ne peut répondre.
Outre ses effets considérables sur l'économie de notre pays, la période de confinement a souligné l'importance du lien social et du lien intergénérationnel. Bien souvent, ce sont les commerces de proximité qui ont joué ce rôle entre les habitants, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Ce constat appelle une réflexion approfondie sur l'avenir de nos commerces de proximité et leur protection contre une concurrence déséquilibrée.
Le déconfinement prévu le 11 mai prochain ne concernera pas toutes les parties prenantes de ce pan de notre économie ; je pense notamment aux acteurs du tourisme et de la restauration. Plusieurs dispositifs de soutien économique actuellement en vigueur seront maintenus, et des annulations des charges sont d'ores et déjà prévues afin de garantir la pérennité de ces activités.
Vous avez annoncé, monsieur le Premier ministre, qu'un calendrier de déconfinement spécifique pour ce secteur, qui emploie directement plus de 1,5 million de personnes, sera présenté fin mai. Les professionnels du secteur prennent date ; il est en effet indispensable qu'ils puissent se projeter dans l'avenir et préparer la reprise du travail.
Plus globalement, les chefs d'entreprise et leurs salariés sont inquiets. Lorsqu'elles n'ont pas été fermées, les entreprises ont été contraintes de réduire, voire de stopper leur activité. Elles ont été soutenues par de nombreuses mesures dont le seul objectif était de leur permettre de maintenir la tête hors de l'eau. Plus de 1 million d'entreprises ont fait appel au fonds de solidarité ; 30 milliards d'euros ont été accordés dans le cadre du prêt garanti par l'État ; plus de 10 millions de salariés, soit un salarié sur deux, ont eu recours au dispositif de chômage partiel. Ces mesures inédites et structurantes ont permis à notre tissu économique de résister à l'arrêt de nombreuses activités économiques et sociales – arrêt brutal, mais nécessaire pour freiner l'épidémie.
Ce n'est pas un feu vert que donne le Gouvernement ; c'est un feu orange clignotant. Redémarrer, oui, mais de façon progressive, territoriale et à condition de respecter les règles sanitaires. Demain, les salariés pourront retrouver le chemin de leur entreprise, à condition qu'une véritable protection leur soit garantie, afin qu'ils reprennent leur activité en toute sécurité. Pour cela, il est nécessaire de mettre tout le monde autour de la table : la clé du déconfinement, ce sera le dialogue social. Dans chaque secteur économique, il est indispensable qu'à l'intérieur de chacune des entreprises, les employeurs, les salariés et les représentants du personnel discutent et envisagent ensemble les conditions du déconfinement. C'est le travail en commun des partenaires sociaux, du ministère des solidarités et de la santé et de celui du travail qui a permis que soient élaborés des guides de bonnes pratiques. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas moins d'une quarantaine de guides sectoriels, dont le protocole de l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics – OPPBTP – , et une trentaine de guides transversaux qui ont été rédigés depuis un mois : voilà qui est remarquable. D'autres guides de bonnes pratiques devront encore être écrits dans les prochaines semaines afin que l'ensemble des secteurs de l'économie en soient munis.
Si, avec le déconfinement, une majorité d'actifs continueront de télétravailler, une partie d'entre eux reprendront leurs déplacements pour se rendre sur leur lieu de travail.
Plusieurs grandes métropoles, telles Grenoble, Montpellier, Lyon ou Rennes, ont d'ores et déjà annoncé vouloir accélérer le déploiement des modes de transport alternatifs doux, en s'inspirant d'initiatives issues de l'urbanisme tactique. La crise aura de nouveau été un révélateur des multiples possibilités qui s'offrent à nous en matière de transport grâce à la mobilisation des collectivités locales.
Toutefois, de nombreuses personnes n'auront pas d'autre choix que d'utiliser les transports en commun. Un accroissement de l'offre de transport est dès lors indispensable pour qu'elles puissent se rendre sur leur lieu de travail en toute sécurité. L'accroissement de l'offre de transports publics fait naturellement partie intégrante du plan de déconfinement. Aujourd'hui, 7 % des trains à grande vitesse et 15 % des trains express régionaux circulent ; ce taux est de 30 % sur les lignes de métro de la RATP. À partir du 11 mai, la reprise progressive d'un certain nombre d'activités ira de pair avec l'accès à une offre élargie de transports – pouvant atteindre la moitié du niveau d'avant la crise.
L'afflux de personnes supplémentaires s'accompagnera d'un renforcement des mesures sanitaires déjà en vigueur dans les transports en commun : impossibilité d'acheter des tickets dans les moyens de transport, détermination d'un sens de circulation dans les bus et le métro, par exemple ; s'y ajouteront l'obligation du port du masque et des créneaux horaires réservés pour certaines populations.
Il sera en outre nécessaire de prévoir, dans chaque territoire, une coopération entre les autorités de transport et les établissements publics et privés en vue d'échelonner les horaires de travail, afin de lisser les heures de pointe. Les collectivités territoriales auront un rôle à jouer afin d'adapter l'offre de transport, y compris scolaire, aux besoins exprimés et à la situation sanitaire observée dans chaque territoire.
Des plans de mobilité interentreprises pourront aussi être mis en oeuvre par le secteur économique et les collectivités en vue de penser différemment le trajet entre le domicile et le lieu de travail et de proposer une offre de transport complète et sécurisée ; c'est par exemple le cas dans la métropole lyonnaise.
La réussite du déconfinement reposera enfin sur le couple formé par le préfet et le maire. Il appartiendra à ces deux acteurs d'appliquer les mesures annoncées en les adaptant aux spécificités de chaque territoire. La situation de Paris et de l'Île-de-France ne peut se comparer à celle d'une région très rurale, chacun le comprendra ; chaque territoire a ses spécificités, ce qui justifie que l'on procède de manière différenciée au déconfinement.
Nous avons besoin à la fois d'un État stratège qui définisse le cadre général et d'acteurs de terrain qui adaptent les mesures et prennent les initiatives nécessaires ; tel est le sens de la différenciation territoriale que nous prônons depuis le début de la législature.
L'indispensable remise en route de notre économie devra s'accompagner de nouvelles règles pour corriger les insuffisances révélées par la crise sanitaire. Je pense en particulier à la relocalisation industrielle des secteurs stratégiques et à la consolidation des filières d'excellence, comme la filière santé. Il faudra élaborer un plan de transformation de notre société, compatible avec nos objectifs climatiques et environnementaux, notamment en recourant à des mesures de soutien susceptibles d'améliorer l'impact environnemental des industries et services concernés à l'échelon national et européen. Il faudra relancer l'Europe afin que celle-ci pèse davantage, et défendre une souveraineté économique, environnementale, sociale et sanitaire pour que, demain, le progrès que nous appelons de nos voeux soit synonyme d'une société plus durable et plus protectrice.
Auparavant, il nous faudra réussir ensemble le déconfinement. Une nouvelle date va entrer dans l'histoire de notre pays : après le 17 mars 2020, début du confinement, le 11 mai 2020, sortie du confinement. Pour faire de cette date une date unique, il convient d'éviter à tout prix un rebond de l'épidémie. Tel est le défi qui se présente à notre pays. Nous aurons chacun un rôle à tenir ; il nous faudra assumer nos responsabilités, tant collectivement qu'individuellement. C'est en agissant ensemble, en étant unis, que nous réussirons.