Soit. Elle estimerait que son premier ministre a bien mieux géré la situation que les dirigeants français. Peut-être. Sans doute. C'est un point de vue.
Quand nous pourrons analyser la situation dans le détail, avec la sagesse du regard rétrospectif et en disposant de l'ensemble des données, nous verrons comment notre système de soins s'est adapté à la crise et comment les systèmes de pays comparables au nôtre, soumis aux mêmes pressions, l'ont fait.
Sachez, monsieur le président Jacob, que j'attends ce jour avec sérénité. Sans bravoure, sans enthousiasme, mais avec sérénité.
Le système italien a souvent été décrié, à tort. La Lombardie, la région italienne la plus touchée par l'épidémie, est une région riche et remarquablement équipée, y compris en matière de services publics sanitaires. Face à l'épidémie, elle a pourtant été conduite à trier les malades admis en réanimation – ce fameux et terrible tri dont on a beaucoup parlé. Cela n'a pas été nécessaire en France : notre système a tenu – probablement parce qu'il a eu un peu plus de temps que le système italien pour s'adapter. Je ne cherche absolument pas à dénigrer nos amis italiens : tout le monde est dans une situation difficile, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni – des pays comparables au nôtre par la taille, l'histoire et l'organisation – autant que la France.
Je le dis donc avec tranquillité et humilité, car je sais que l'on peut toujours trouver un exemple d'un fonctionnement plus réussi. Nous verrons à la fin, lorsque l'ensemble des données seront disponibles, comment les Allemands auront franchi cette étape. S'ils l'ont fait mieux que nous, je commencerai par m'en réjouir, car ce sont nos amis ; puis, comme vous, comme nous tous ici, je tâcherai d'en tirer les leçons et de voir ce que nous pouvons apprendre de leur système, non seulement en matière de gestion de crise mais dans bien d'autres domaines.
Vous avez raison, ce temps viendra. Mais nous en sommes encore à la gestion de la crise sanitaire, dont des étapes très complexes nous attendent. Certains le savent parfaitement, la préparation du déconfinement est bien plus difficile que la décision du confinement, du point de vue tant logistique que juridique, politique, humain et technique. Or c'est le travail que nous sommes en train de mener – ce « nous » n'a rien d'un « nous » de majesté : il inclut les préfets, les élus locaux, les chefs d'entreprise, l'ensemble des acteurs du système de soins, qui s'efforcent de mettre en oeuvre le plus intelligemment possible des éléments de doctrine sanitaire ou d'organisation collective qui ne sont pas faciles à appliquer. Car il n'est pas facile de contrôler une épidémie sans traitement efficace, sans vaccin ni immunité collective.
Dans cet exercice difficile, j'essaie, dans toute la mesure du possible, bien que ce ne soit pas simple non plus – vous le savez, vous l'avez même dit – , d'apporter aux acteurs les éléments dont ils doivent disposer au moment de prendre les décisions. Pour éviter la propagation de l'épidémie, j'essaie de faire en sorte que les chaînes de contamination que les dispositifs départementaux permettront de remonter puissent être cassées et que l'approvisionnement en tests soit suffisant – il le sera techniquement.
Voilà ce que fait le gouvernement français, comme les gouvernements britannique, espagnol ou italien, chacun dans des conditions politiques spécifiques. Certains de ces gouvernements sont très critiqués en interne – à ce sujet, vous avez cité les bons chiffres ; c'est le cas dans les pays amis de la France que sont le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et la Belgique, parce que tout le monde a peur et sait bien que ce que nous vivons est redoutablement complexe.
Je rencontre beaucoup et j'entends beaucoup parler de nos concitoyens qui sont très en colère contre le Gouvernement. J'en entends aussi beaucoup d'autres qui nous disent : « Ce que vous êtes en train de faire – et ce qu'est en train de faire le ou la maire – est horriblement difficile, nous le savons tous ; alors allez-y, courage, tenez bon. » Il y a des pays où l'on dit ces choses-là plus publiquement que chez nous. C'est ainsi ; nous vivons en France. Nous aurons des leçons à tirer de l'expérience que nous vivons, des difficultés que nous traversons ; cela demandera beaucoup de lucidité et de travail en commun. J'y suis évidemment prêt.