Le Gouvernement propose de faire des choix en s'abritant artificiellement derrière les rubriques dites de fact checking des rédactions et de choisir ainsi les titres de presse que l'on peut lire et ceux que l'on ne peut pas lire. Mais plus grave encore, vous venez heurter de plein fouet le principe qui doit demeurer intangible de l'indépendance de la presse, qui s'exerce notamment à travers la liberté et le pluralisme et sous l'oeil critique des lecteurs.
J'ajoute, et c'est tout aussi triste, que cette initiative est par ailleurs inefficace, voire contre-productive. Compte tenu de la chute de confiance des Français dans la capacité du Gouvernement à gérer la crise et à fournir des informations fiables, non seulement les Français qui doutent n'iront jamais sur un site gouvernemental pour démêler le vrai du faux, mais le risque est grand d'inciter la population à s'informer en dehors des sources mises soi-disant en valeur par le Gouvernement.
Par ailleurs, cette initiative intervient après la loi contre la manipulation de l'information, dite « fake news », ou encore la loi sur le secret des affaires, qui posent les questions de la liberté d'expression et de la capacité des journalistes à mener librement leurs investigations. Elle fait également écho aux propos du Président de la République sur l'intérêt d'organiser « une forme de certification des organes de presse respectant la déontologie du métier », concrétisés en décembre dernier par la création d'un conseil de déontologie journalistique et de médiation. Enfin, elle rappelle la volonté de mettre en place, quoi qu'il en coûte, l'application numérique de traçage StopCovid. Un ensemble de dispositifs assurément inefficaces et potentiellement liberticides, qui s'ajoutent les uns aux autres.
Monsieur le Premier ministre, après l'état d'urgence sanitaire, économique et sociale, le temps est venu de déclarer à la fois l'état d'urgence culturelle, comme Isabelle Adjani l'a si bien appelé de ses voeux ce matin, et l'état d'urgence démocratique. Je vous demande donc si vous allez prendre la décision qui s'impose, de simple bon sens : supprimer immédiatement du site du Gouvernement cette rubrique qui n'a pas lieu d'être,