Le Gouvernement partage bien entendu votre approche : il est essentiel, comme vous l'avez souligné, que nous puissions pleinement mobiliser l'ensemble de nos ressources, c'est-à-dire également celles de nos décideurs, qu'ils soient chefs d'entreprise, responsables associatifs ou élus. Tous ces acteurs doivent participer au déconfinement – une phase assez singulière qui suppose beaucoup d'énergie partagée – avec le plus de sérénité juridique possible.
Je tiens toutefois à souligner que quels que soient les textes, nous n'empêcherons jamais – et d'une certaine manière, c'est heureux, car c'est le principe de la démocratie – que des procédures soient déclenchées. C'est une autre chose que de savoir si elles peuvent aboutir.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, en réponse à M. Cubertafon – je ne reprends pas mon raisonnement – , la responsabilité pénale est assez stricte et complexe à engager, pour les raisons que j'ai indiquées. Les règles du code pénal ne permettent pas de mettre en jeu aisément la responsabilité. J'ai souligné toutefois que nous étions disposés à travailler sur cette question.
Vous évoquez également la responsabilité civile du chef d'entreprise vis-à-vis de ses salariés. Là encore, j'avais eu l'occasion de répondre à une question similaire, ici même je crois, en disant que depuis la jurisprudence dite Air France de 2015, les choses étaient stabilisées du point de vue du droit. Cela a été réaffirmé par l'assemblée plénière de la Cour de cassation en 2019 : il est jugé désormais de manière constante que l'employeur qui a pris les mesures de prévention nécessaires respecte ses obligations légales et peut donc s'exonérer de sa responsabilité civile.
Vous évoquez aussi la directive de 1989 relative à l'amélioration de la santé des travailleurs, qui permet à l'employeur de voir sa responsabilité limitée pour des faits dus à des causes qui lui sont étrangères ou en cas de circonstances exceptionnelles. Cette directive permet une exonération, mais elle ne l'impose pas ; il me semble qu'il vaut mieux donc s'en tenir à la jurisprudence Air France dont je parlais tout à l'heure. Au fond, il n'y a pas de suspicion généralisée de ce point de vue, mais nous sommes prêts, je l'ai dit, à accompagner tout débat qui apparaîtrait nécessaire.