Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Monsieur Girardin, la relance doit, bien sûr, coupler le monétaire et le budgétaire en ayant la neutralité carbone en ligne de mire. S'agissant de la perception de l'action européenne, il est vrai qu'elle pâtit de la bataille de récits à l'échelle mondiale. Nous devons, collectivement et par tous les canaux, informer, relayer les actions européennes, notamment celles qui se font en dehors de Bruxelles, dans le cadre de coopérations décentralisées. Nous avons besoin de porte-voix et de relais comme vous.

Monsieur El Guerrab, il ne faut pas forcément plus d'Europe ; il en faut de meilleure. Nous devons pouvoir avancer à plusieurs lorsque cela peut s'avérer utile, par exemple en matière de surveillance épidémique, de matériel médical, d'investissements industriels et de vaccins. La coordination doit prévaloir partout où elle permet d'aller plus vite et de s'adapter aux besoins des citoyens.

S'agissant du retour des Français à l'étranger, depuis plus de trois semaines, un point de situation est organisé chaque jour, à 18 heures, au centre de crise du quai d'Orsay. Parmi les choses à améliorer, les personnes concernées sont invitées à s'inscrire sur le registre Ariane, de façon à ce que nous puissions les recenser et les contacter. Une collaboration extrêmement fructueuse avec Air France a permis de maintenir certains vols commerciaux, notamment avec l'Algérie et avec le Maroc.

Faire décoller un avion d'un pays ayant fermé son espace aérien représente un travail politique, diplomatique et organisationnel titanesque. Accompli également grâce à des vols affrétés par nos partenaires européens, il a permis à plus de 156 000 Français de rentrer depuis le début du mois de mars – les équipes concernées méritent d'en être remerciées.

L'horizon de réouverture de l'espace hors Schengen est d'abord sanitaire et s'apprécie en cohérence avec les mesures de déconfinement qui seront mises en place à partir du 11 mai. Certains de nos compatriotes ont besoin de rentrer en France, or la mobilité peut être un vecteur de risques tant pour eux que pour la situation sanitaire hexagonale. Ainsi s'explique la décision de fermer les frontières extérieures de l'espace Schengen.

L'initiative relative à l'Afrique comporte, bien sûr, un volet européen, l'Union européenne étant le premier donateur au monde d'aide aux pays en développement – encore un de ses aspects méconnus.

Madame Tanguy, un plan européen massif existe déjà en matière de vaccin : plus de 140 millions d'euros ont été débloqués au début de la pandémie afin que nous mutualisions nos recherches, nos données épidémiologiques et nos essais cliniques – dont le fameux Discovery –, en vue de mettre, nous espérons rapidement, un vaccin à la disposition de tous, sans considérations de propriété intellectuelle.

En outre, la présidente Ursula von der Leyen a annoncé qu'une conférence de financement serait lancée le 4 mai, en coordination avec l'Organisation mondiale de la santé, la fondation Bill et Melinda Gates et le GAVI, organisation mondiale qui travaille sur les vaccins.

Le plan massif pour la santé de l'après-crise devra intégrer les équipements médicaux, les traitements et les médicaments – nous avions, d'ailleurs, réfléchi à la relocalisation de certaines molécules innovantes utilisées en thérapie génique avant même la crise – ainsi que l'environnement, la prévention et une éventuelle réserve sanitaire mutualisée. Oui, notre ambition sera forcément importante. La conférence sur l'avenir de l'Europe permettra d'écouter les citoyens, notamment sur cette question.

Madame Lenne, j'ai déjà eu trois échanges avec mon homologue suisse, Roberto Balzaretti, depuis le début de cette crise. Un autre aura lieu vendredi pour échanger sur la question frontalière au cours de cette phase de levée progressive des mesures de confinement.

Un débat a lieu en ce moment au sein de l'Union européenne sur le chômage, et plus précisément sur le « règlement 883 » sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui inclut le paiement des indemnités chômage pour les personnes travaillant dans un pays où ils ne résident pas. La loi du 1er juillet 2019 montre aujourd'hui toute la pertinence de la coordination franco-suisse en matière de santé entre les hôpitaux de Genève et le groupement hospitalier territorial du Chablais, notamment le centre hospitalier d'Annemasse.

Monsieur David, le financement de la transition écologique devra provenir de sources multiplies : budgets nationaux et européens, financements parapublics – Banque européenne d'investissement, Banque des territoires, Caisse des dépôts et consignations – et épargne privée. La Commission européenne a lancé le projet depuis 2016, et la France a bien pour ambition d'entraîner l'ensemble des acteurs : cette transition ne pourra être financée qu'avec les moyens de tous.

En matière de budget européen, le spatial, la PAC et le pacte vert restent au coeur de nos préoccupations. Nous voulons renforcer notre souveraineté, notamment dans le domaine sanitaire, ainsi que notre solidarité, en cherchant à réduire les inégalités et la fracture sociale dans chacun des États membres et entre eux. À cet égard, le Fonds de cohésion et le Fonds social européen seront fort utiles.

L'utilité, c'est ce que nous attendons de ce budget, qui doit aussi être juste et ambitieux. Il faut changer de dynamique, abandonner la politique de rabais, par laquelle une partie de notre contribution sert à limiter celle d'autres États membres, au profit du financement de programmes européens, et trouver de nouvelles ressources, comme le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, ou d'autres liées à la pollution ou aux plastiques.

La PAC s'inscrit parfaitement dans l'ambition de souveraineté, alors que la crise a révélé la nécessité de l'indépendance alimentaire. La preuve a été faite auprès de beaucoup de pays qui considéraient la PAC comme finie que s'alimenter avec des produits de qualité cultivés près de chez soi est vital et essentiel. Il s'agit donc de moderniser notre agriculture en donnant plus de moyens à nos agriculteurs, et ce sera notre combat que de préserver les moyens du budget 2021-2027.

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