Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Monsieur Mbaye, cette crise a révélé des aspects intéressants concernant le transfert de patients. La Commission européenne a publié un cadre commun dont les nombreux principes concernant le financement et les protocoles de soins transfrontaliers seront très utiles à l'avenir.

Vous avez également évoqué la question des réfugiés : l'initiative française visait à plaider pour une trêve humanitaire auprès des membres permanents du Conseil de sécurité. Il s'agit d'éviter l'arrivée de nouveaux réfugiés dans les mois à venir, tout en maintenant l'aide humanitaire et en prenant en compte les situations les plus compliquées.

Monsieur Dupont-Aignan, l'Allemagne a beaucoup fait pour accueillir les patients d'autres pays. On ne peut donc parler de repli national.

Le MES est ouvert à tous, afin d'apporter des financements aux État qui auraient des difficultés à se financer sur les marchés. Il n'implique absolument pas la mise sous tutelle par une quelconque troïka ou un contrôle extérieur, mais simplement la transparence des comptes publics et la bonne gestion, cadre général de l'action européenne. Le Pacte de stabilité et de croissance est suspendu du fait des conditions exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvons.

Les 750 milliards d'euros débloqués par la BCE pour racheter des dettes souveraines concerneront les dettes française, allemande, italienne, espagnole, celles de tous les pays de la zone euro. Quand une banque centrale rachète de la dette, elle ne l'annule pas mais permet son financement au taux le plus bas. Actuellement, la France se finance à 0,09 % à dix ans. Cela montre tout l'intérêt de l'action de la BCE.

Madame Sylla, il y aura un plan français de soutien aux industries culturelles. La commissaire Mariya Gabriel réfléchit également aux moyens les plus efficaces de préserver les industries culturelles et de protéger les artistes. Nous en saurons plus dans les prochaines semaines, la reprise de l'activité normale dans les salles de spectacles et festivals risquant d'être lente.

Vous avez raison, en Afrique, nous devons faire la différence entre les pays dont la trajectoire de finances publiques est soutenable et ceux en difficulté. À court et moyen termes, le Président de la République tient à la réflexion partenariale avec les pays africains et leur diaspora. Il faut mettre à disposition du continent ce capital humain, économique et financier pour qu'il retrouve son autonomie et des perspectives de croissance. La crise ne doit pas stopper les dynamiques qui avaient permis à certains pays de passer un cap.

Madame Rauch, nos interdépendances avec le Luxembourg sont très fortes, la crise l'a révélé. J'ai commencé à m'y atteler mais, à la fin de la crise, nous devrons y réfléchir ensemble.

Madame Boyer, depuis novembre 2015, la France applique des restrictions et effectue des contrôles à ses frontières intérieures, initialement pour des motifs liés au terrorisme et désormais pour des raisons sanitaires. Ces contrôles aux frontières intérieures terrestres ont été prolongés du 1er mai au 31 octobre prochain.

S'agissant des masques alternatifs, des normes françaises ont été établies. Agnès Pannier-Runacher et Thierry Breton coopèrent à la définition d'une norme européenne.

Monsieur Bourlanges, vous avez, comme d'autres, évoqué le décalage entre la perception des Européens et la réalité. Notre priorité est de combattre la pandémie même si, vous avez raison, la communication de chacun – Commission européenne, BCE, Gouvernement – est importante, et les limites de compétences des uns et des autres pas forcément connues. Le décalage de perception est aussi lié à notre volonté de ne pas nous mettre en scène quand d'autres pays ont privilégié la narration ou les visuels. Vous avez raison, nous avons des difficultés à expliquer ce que l'Europe fait, ne fait pas, peut faire et pourrait faire. Ce sera tout l'intérêt de la conférence sur l'avenir de l'Europe : comparer ce que les citoyens attendent de l'Union européenne et ses compétences.

Les « corona bonds », outil de relance coordonnée qui pourrait s'appuyer sur un endettement commun, n'auront pas vocation à gommer le passé, mais à financer ensemble le futur. Nous devons imaginer un mécanisme de gouvernance et lister précisément les dépenses concernées : quels industries et secteurs souhaite-t-on renforcer ? Dans quels domaines veut-on agir ensemble et relancer l'économie ? Seul l'endettement nous permettra d'agir rapidement et de bénéficier d'un effet de levier, car aucun de nos pays ne dispose d'argent sonnant et trébuchant, d'autant que certaines dépenses liées au pacte vert n'auront des effets qu'à très long terme.

Monsieur Maire, la France soutient les démarches de la Commission européenne concernant l'État de droit en Hongrie, en Pologne et dans d'autres pays. Didier Reynders, commissaire à la justice, et Věra Jourová, vice-présidente de la Commission chargée des valeurs et de la transparence, suivent de très près la situation, tout comme la Cour de justice de l'Union européenne. La France, avec plus d'une quinzaine de pays, a demandé à ce que le sujet soit inscrit à l'ordre du jour du prochain Conseil des affaires générales, qui se tiendra la semaine prochaine. Nous échangeons également régulièrement avec le Parlement européen et le Conseil de l'Europe. Nous devons veiller au respect et à la protection des libertés fondamentales des citoyens européens et les mesures d'exception doivent être proportionnées et temporaires.

Monsieur Quentin, bien sûr, le plan de relance ne nous détournera pas de notre objectif de neutralité carbone, car la crise climatique n'est pas derrière nous. Avec dix autres ministres en charge de l'environnement, Élisabeth Borne a signé une tribune plaidant pour une relance compatible avec notre ambition climatique. Des parlementaires européens et des chefs d'entreprise ont fait de même.

Le mécanisme européen de protection civile a été créé il y a deux ans pour gérer les feux de forêt. Depuis quelques mois, il a surtout servi à rapatrier les Européens du monde entier et à financer le transfert de patients hors de nos frontières. Nous avons chaque jour de nouvelles idées pour déployer cet outil très précieux. Il sera utile de faire le bilan de ses réalisations dans quelques semaines.

Madame Leguille-Balloy, vous avez raison, la souveraineté, c'est notre capacité de définir la manière dont nous souhaitons disposer de biens qui nous semblent essentiels, mais c'est aussi notre capacité de définir les normes et les règles pour produire ou pour disposer de ces biens. La souveraineté est liée à la sécurité, à la défense, à l'alimentation. La souveraineté alimentaire est forcément européenne également, et c'est l'origine de la politique agricole commune, créée après-guerre pour éviter de nouveaux conflits. Il ne s'agit pas de remettre en question cette solidarité européenne essentielle, mais d'être autonome en période de crise. La souveraineté française et l'autonomie stratégique européenne que le Président appelle de ses voeux ne sont pas antinomiques mais complémentaires ; elles se renforcent mutuellement.

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