Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, monsieur le ministre d'État a indiqué que ce projet de loi de finances pour 2018 traduisait « les ambitions du Gouvernement pour accélérer la transition écologique et solidaire, et rendre accessible la protection de la planète ». Permettez donc que je souligne l'ironie du fait que nous soyons réunis aujourd'hui pour discuter de la matérialisation budgétaire de ces belles intentions juste après l'annonce d'un énième recul de votre part en matière de transition écologique.

Je fais allusion ici à la décision de reporter l'objectif de la réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité française à 2030, au plus tôt. En plein épisode du glyphosate, et après ceux des pesticides tueurs d'abeilles, du CETA et des baisses des aides à l'agriculture biologique, chacun appréciera le fossé entre les voeux énoncés lors des conférences des parties de la convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques et la concrétisation des engagements arrêtés à ces occasions.

Certes, nul ne peut nier, à la lecture des bleus budgétaires de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », que plusieurs engagements du candidat Emmanuel Macron prendront vie au cours de l'exercice budgétaire. Mais on regrettera quand même le manque d'ambition de ce budget, qui n'est d'ailleurs pas propre à cette mission.

Concernant l'énergie et le climat, d'abord, vous prévoyez une augmentation progressive de la taxe carbone, et plus précisément de la composante carbone des taxes intérieures de consommation. En soi, c'est une bonne nouvelle. Mais son effet restera limité, dans la mesure où de nombreuses entreprises, grosses consommatrices d'énergies et soumises au régime des quotas de gaz à effet de serre, ne seront pas concernées. C'est le cas, par exemple, des transporteurs routiers ou aériens, des taxis, ou encore des agriculteurs.

Comme l'a souligné en commission Éric Coquerel, ces exceptions représentent, rien que pour le secteur des transports, un manque à gagner pour l'État de 7 milliards d'euros par an. Cela est difficilement compréhensible, lorsque l'on demande aux Français de se serrer la ceinture et que l'on est à la recherche de relais de financement des énergies renouvelables.

Vous prévoyez, par ailleurs, de consacrer 20 milliards d'euros au « virage de la neutralité carbone », avec 5,5 milliards dédiés au développement des énergies renouvelables. Serait-ce un simple exercice de communication, dans la mesure où ce montant intègre les 4,9 milliards d'aides aux énergies renouvelables délivrées au titre de la contribution au service public de l'électricité – CSPE ? Il ne s'agit donc aucunement d'aides nouvelles, mais tout simplement de la remobilisation de crédits existants. Finalement, rien, ou presque rien de nouveau sous le soleil.

Ensuite, concernant la question des transports, vous prévoyez une hausse progressive de la taxe sur le gazole, jusqu'à ce que son prix rejoigne celui de l'essence. J'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'État, si vous avez prévu des adaptations pour nos territoires d'outre-mer, qui souffrent de tarifs prohibitifs des carburants alors même que les pouvoirs d'achats y sont bien inférieurs à ceux observés dans l'hexagone. À défaut, vous risqueriez d'enflammer ces territoires, qui ont encore en mémoire les fortes mobilisations de 2008 et 2009, lesquelles avaient contraint l'État à imposer une baisse du prix à la pompe de 50 centimes d'euros par litre, notamment en Guyane.

Ce même besoin d'adaptation se retrouvera assurément pour la prime à la conversion visant à encourager les ménages à abandonner les véhicules les plus vieux, dans la mesure où, suivant un parallélisme de forme, les prix observés sur le marché des véhicules sont sensiblement plus élevés que dans l'hexagone, avec des surcoûts de 8 % à 30 %.

En ce qui concerne les 2,4 milliards que vous prévoyez d'injecter pour moderniser les transports du quotidien, c'est aussi une semi-bonne nouvelle, en ce qu'il s'agit, en vaste majorité, d'un recyclage de crédits existants et que le compte n'y est pas au regard des immenses besoins identifiés pour moderniser le réseau ferré et le rendre attractif.

Enfin, la prime pour l'achat d'un vélo à assistance électrique a tout simplement disparu, alors qu'il s'agissait d'une alternative sérieuse à la voiture individuelle en milieu périurbain, à l'heure où la nécessité de chasser la voiture hors des centres congestionnés semble faire consensus. C'est dommage.

En ce qui concerne l'efficacité énergétique des bâtiments, nous saluons le maintien du crédit d'impôt pour la transition énergétique et la généralisation du chèque énergie, qu'il conviendra toutefois de largement revaloriser, au regard de la part toujours plus grande que représentent l'énergie et le chauffage pour les ménages les plus modestes.

Nous nous posons également des questions quant aux crédits dévolus à l'Agence nationale de l'habitat – ANAH – qui, s'ils croissent de 110 millions d'euros, nous paraissent peu ambitieux au regard de l'engagement présidentiel de rénover 75 000 logements par an. Dans ces conditions, on voit mal comment l'ANAH viendrait se déployer dans les outre-mer, comme cela est annoncé par votre collègue de la rue Oudinot, monsieur le secrétaire d'État, et compenser ainsi la baisse drastique des crédits alloués à la rénovation des bâtiments dans nos territoires, qui émargent pour l'instant à la ligne budgétaire unique.

Permettez également que je regrette votre volte-face sur l'élargissement de la taxe sur les transactions financières aux opérations infrajournalières, que nous avions voté à l'unanimité l'an dernier et qui aurait pu rapporter entre 2 et 4 milliards d'euros supplémentaires, ce qui n'est pas négligeable par ces temps de disette budgétaire, vous en conviendrez sûrement.

Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne pourront vous soutenir sur cette mission budgétaire, qui n'est définitivement pas à la hauteur des ambitions que vous affichez.

Pour terminer, je veux vous dire à quel point je me félicite de l'adoption par le Sénat d'un amendement défendu par votre majorité, qui adapte votre projet de loi relatif aux hydrocarbures aux exigences institutionnelles guyanaises. Nul doute que nous pourrons, dans ces conditions, poursuivre le débat de façon plus sereine très prochainement dans cet hémicycle.

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