Notre pays est en guerre contre le Covid-19 : c'est la plus grave crise sanitaire que la France ait connue depuis un siècle. Je souhaite en cet instant, au nom du groupe Libertés et territoires, avoir une pensée pour les malades, pour les familles des victimes, mais aussi pour tout le personnel soignant qui, bien qu'à bout, se mobilise corps et âme pour prendre soin de tous ceux qui en ont besoin. J'ai également une pensée toute particulière pour nos concitoyens confinés et pour ceux qui continuent à faire battre le coeur de l'activité de notre pays.
Depuis plusieurs semaines, nous vivons une situation inédite par sa nature, son ampleur et son impact. Elle nous impose de décaler l'installation des conseils municipaux élus dès le premier tour et de reporter la tenue du second tour. Le choix du Premier ministre de demander au Sénat le décalage au 15 mai, au plus tôt, de l'installation des nouveaux conseils municipaux, est une mesure de bon sens. Leur réunion constitutive dès ce week-end aurait entraîné trop de complications, aussi bien sanitaires que politiques. De même, la fixation au 31 mars à dix-huit heures de la date de dépôt des listes en vue du second tour, adoptée par le Sénat, est judicieuse. On ne pouvait décemment laisser les négociations durer plusieurs semaines au risque de voir s'exercer des pressions en tous genres. Je le dis solennellement : il ne serait pas raisonnable, compte tenu de la gravité de la situation, de réunir une commission mixte paritaire en fin de semaine uniquement parce que nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur la date de dépôt des listes.
Le projet de loi ordinaire – que nous allons examiner à la suite de nos collègues sénateurs qui ont simplifié, clarifié et précisé un certain nombre de dispositifs – doit nous permettre de faire face ensemble à cette crise d'envergure en nous assurant que personne ne sera laissé au bord de la route. Je pense aux commerçants qui ont dû baisser le rideau alors que les grandes surfaces continuent à vendre ; je pense aux auteurs, pour qui les conséquences économiques de la fermeture des lieux de spectacle, ainsi que l'arrêt des productions cinématographiques et audiovisuelles, seront importantes ; je pense à la protection de l'enfance, mais aussi aux professions libérales et aux agriculteurs.
Les Français se posent beaucoup de questions. Qui peut, qui doit continuer à travailler ? Pourquoi certaines activités sont-elles considérées comme essentielles et d'autre non ? Quelles sont ces activités essentielles ? Pourquoi les entreprises du BTP peinent-elles à se voir reconnaître le droit au chômage partiel ? Et, surtout, pourquoi n'y a-t-il pas assez de masques de protection, notamment pour les forces de l'ordre et les soignants, qui sont confrontés à des porteurs potentiels du Covid-19 ? À toutes ces questions, il faudra apporter des réponses.
Je pense aussi à ceux de nos concitoyens qui vivent à l'étranger et aux ressortissants étrangers qui doivent demander ou renouveler leur titre de séjour en France. Pendant cette période, nous ne devons pas non plus négliger notre combat contre les phénomènes climatiques dévastateurs en période d'inégalités sociales, culturelles et économiques. Pour répondre à ces différentes problématiques, notre groupe a déposé plusieurs amendements qui se veulent constructifs et consensuels.
Si nous saluons évidemment la création d'un état d'urgence sanitaire, qui paraît indispensable, nous veillerons à l'introduction d'un véritable contrôle parlementaire. Réaliser la transparence implique d'associer le Parlement à toutes les dispositions de ce texte, y compris à celles de nature économique et sociale. L'article 13, ajouté par le Sénat, prévoit que, « à la demande de l'Assemblée nationale ou du Sénat, les autorités administratives communiquent toute mesure prise ou mise en oeuvre en application de la présente loi » et que le Parlement peut « requérir toute information complémentaire en ce qui concerne le contrôle et l'évaluation de ces mesures ainsi que les conséquences sanitaires de l'épidémie de Covid-19 ». Nous voulons renforcer ces dispositions en proposant la création d'un comité de suivi au sein duquel siégeraient des parlementaires. À défaut, nous souhaitons que ces derniers soient intégrés au comité scientifique. Nous veillerons aussi à ce que les atteintes aux libertés publiques décidées pour combattre ce virus soient proportionnées. Nous saluons d'ailleurs la disposition ajoutée par le Sénat à l'article 6 bis, qui rend caduc au bout d'un an l'ensemble du dispositif de l'état d'urgence sanitaire s'il n'est pas reconduit, voire modifié par le Parlement.
Chers collègues, face à l'« océan d'incertitudes » évoqué par le Premier ministre, nous devons être responsables et pragmatiques afin de permettre aux forces vives de notre pays de surmonter ce cap extrêmement difficile du ralentissement économique. Les mesures annoncées en la matière sont certes ambitieuses, mais des difficultés subsistent. Il ne faudrait pas, par exemple, que les mesures administratives ou juridictionnelles proposées remettent en cause certains droits fondamentaux. Quant aux dispositions visant à adapter le fonctionnement des institutions locales, nous nous réjouissons qu'elles aient été enrichies par le Sénat : je pense en particulier à l'assouplissement des règles d'adoption du budget et des modalités d'engagement des dépenses d'investissement.