Monsieur Paris, nous sommes dans une situation tellement exceptionnelle que si un dispositif de ce genre voyait le jour avec des incidences potentiellement aussi exceptionnelles sur les libertés publiques, il devrait être assorti d'un contrôle tout aussi exceptionnel pour s'assurer très concrètement de la destruction, dans un délai très rapide, des données collectées.
A-t-on besoin de créer une nouvelle AAI qui s'occuperait exclusivement des algorithmes ? La CNIL a une expertise très poussée sur cette question, qui naturellement n'est pas exclusive. La loi de 2016 pour une République numérique a confié à la CNIL la mission d'animer le débat éthique et les débats de société sur le numérique. Le premier travail de la CNIL qui s'est échelonné sur une année entière, a abouti à la rédaction d'un rapport sur les algorithmes. Si l'on est passé du dispositif APB à Parcoursup, c'est précisément parce que la CNIL avait mis en demeure le Gouvernement de modifier l'explicitation et le fonctionnement du système de sélection qui était basé sur des algorithmes. Nous avons une expertise sur cette question et nous nous articulons avec d'autres autorités ou institutions pour la parfaire.
Monsieur Saulignac, je n'ai pas entendu parler, dans la bouche des responsables publics, de coupler la liberté du consentement et l'autorisation de sortie. Si tel était le cas, il faudrait analyser de très près la réalité d'un consentement : pour que le consentement soit réellement libre, il ne faut pas que le refus du consentement donne lieu à conséquences.
La masse critique d'usagers est en effet une des conditions essentielles de l'efficacité d'un tel dispositif. La CNIL n'a pas la compétence sanitaire, mais ce sujet mérite d'être débattu en lien avec la communauté scientifique : c'est la raison pour laquelle nous avons auditionné le professeur Delfraissy la semaine dernière. Nous ne manquerons pas de continuer à nous tenir au courant, en temps réel, de la réalité du contexte sanitaire, pour pouvoir apprécier la nécessité et la proportionnalité des mesures qui seraient prises.
J'en viens à la remarque de M. Marleix sur la réalité du confinement qui fausserait en quelque sorte le caractère libre du consentement. Selon que le dispositif s'appuie sur le volontariat ou une obligation, la réponse qui peut être apportée à cette question est très différente. Le téléchargement de l'application, par le fait qu'il est volontaire, ne devrait pas avoir d'incidences, dans la mesure où rien n'empêche de sortir du dispositif. Mais peut-être faut-il tenir compte de la réalité psychologique : on peut évidemment avoir envie de sortir du confinement et donc d'utiliser tous les moyens à notre disposition pour l'accélérer. C'est du reste un des arguments invoqués à l'appui de ce dispositif de suivi numérique.
Enfin, madame Dubost, une application qui utiliserait la technologie Bluetooth qui permet de détecter si un autre téléphone équipé de la même application se trouve à proximité, sans données nominatives mais avec la création d'un identifiant et un chiffrement de l'historique de connexion, apporterait davantage de garanties qu'une application reposant sur une géolocalisation précise et continue.