Le projet « StopCovid » est très sensible pour les Français car il touche aux libertés publiques : il est donc important d'en informer le Parlement. Nous cherchons à développer une application dont le seul objectif est de prévenir la personne l'ayant téléchargée qu'elle a été en contact, dans les jours précédents, avec une personne testée positive au coronavirus. Le terme de tracking utilisé dans le débat public est impropre car cet outil ne permettra pas la géolocalisation des personnes : il s'agit juste d'établir, grâce à la technologie Bluetooth, un historique de proximité entre différentes personnes équipées de l'application, auquel nul n'a accès, pas même le propriétaire du téléphone.
Ce principe est au centre d'un projet plus large, piloté par la France, l'Allemagne et la Suisse : le Pan-european privacy preserving proximity tracing (PEPP-PT). Celui-ci repose sur des valeurs communes et vise à assurer une interopérabilité entre les dispositifs européens, afin de garantir la même protection lorsque des personnes se déplacent d'un pays à l'autre.
Concrètement, une fois l'application téléchargée, celle-ci enregistre, de façon anonyme, le nom de code des personnes que vous croisez : si l'une d'elles est testée positive au Covid-19, elle le déclare dans l'application, qui vous envoie une notification et vous invite à vous faire tester. Vous n'aurez pas la possibilité de savoir qui vous a contaminé, et nul n'aura accès à la liste des personnes contaminées.
Notre projet respecte pleinement les lois et les valeurs tant françaises qu'européennes : c'est pour cela que nous avons écarté certaines options, retenues par d'autres pays, notamment des pays européens, comme la géolocalisation.
Le développement technique d'une telle application ne va pas de soi car la technologie Bluetooth n'a pas été conçue pour cela. Il y a donc une incertitude sur la capacité à développer cet outil, dont la création nécessitera a minima plusieurs semaines. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de développer d'abord un prototype, afin d'anticiper et d'être prêts si les études épidémiologiques devaient démontrer son utilité. La décision de déployer ensuite cette application ne devrait pas nécessiter de modification législative : le Gouvernement pourrait le décider de son propre chef. Toutefois, si l'application s'avère fonctionnelle, nous nous engageons à consulter le Parlement préalablement à son déploiement.
Il faut se garder de dérives potentielles, comme la tentation de traquer les Français, mais également de la tendance inverse, à savoir l'idée que cette application serait la solution miracle. L'existence d'une fracture numérique fait que l'application ne sera qu'un élément dans un cocktail de solutions qui permettra un confinement allégé. Elle viendra compléter le travail déjà mené aux stades 1 et 2 de l'épidémie, lorsque nous cherchions à retracer l'historique de proximité des personnes contaminées. Aujourd'hui, les agents de « Santé publique France » prennent contact avec les personnes contaminées et font ce travail d'identification, mais de façon non anonyme. Cette procédure pose beaucoup de problèmes car elle repose sur la mémoire des personnes interrogées ; de plus, elle soulève la question de la rapidité dans l'identification des personnes qui ont pu être rencontrées au cours des deux semaines précédentes. L'application complétera donc le travail de ces agents, qui devra se poursuivre ; elle n'a pas vocation à le remplacer.
Le choix qui sera fait concernant le déploiement de cette application dépend de la stratégie de déconfinement qui sera adoptée, ainsi que de la capacité à effectuer des tests. Toutefois, si l'application s'avère utile, nous ferons en sorte de la rendre disponible.